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Billet

FN : une amputation pour filer droit

Avec la démission du souverainiste Florian Philippot, le parti de Marine Le Pen devrait renouer à son ADN plus «droitier», avec en tête de gondole la question migratoire et les phobies identitaires.
(Photo Pascal Bastien pour Libération)
publié le 21 septembre 2017 à 13h14

Circulez, il n’y a rien à voir. A écouter ce matin le chœur mariniste et Marine Le Pen elle-même, le départ de Florian Philippot serait une péripétie comme le FN en a tant traversée dans son histoire. Un non-événement. Il est vrai que le parti fondé par Jean-Marie Le Pen et présidé par sa fille depuis 2011 a connu au fil des décennies son lot de marivaudages, de clashs et de scissions. Les plus marquants ont été le départ de Bruno Mégret et les siens à la fin des années 1990 (beaucoup des jeunes pousses d’alors, Nicolas Bay en tête, sont aux premières loges aujourd’hui) et la mise à l’index puis à l’écart du père Le Pen en 2015 – lequel, malgré les procédures, est toujours président d’honneur. A l’époque, Philippot était à la manœuvre et pensait s’être débarrassé du principal obstacle à l’évolution idéologique du Front. Le retrait de Marion Maréchal-Le Pen de la vie politique, avant les législatives, avait semblé dégager la voie pour le camp philippotiste au détriment de la frange plus droitière et identitaire du parti.

«Gauchisme»

Depuis 2012, c'est la capacité du Front made in Philippot à engranger les élus – et donc à servir les cadres en mandats – qui avait permis la cohabitation des antagonismes internes. Mais les déceptions de la dernière séquence électorale (tout de même 10,4 millions de voix au deuxième tour de la présidentielle mais moins de dix députés et pas de groupe à l'Assemblée) ont exacerbé les tensions contre un Philippot peu populaire parmi les adhérents et détesté par nombre de frontistes de premier plan. Son souverainisme faisant de la sortie de l'euro un préalable à tout, son étatisme confinant au «gauchisme» et son peu d'allant sur les questions identitaires ont été rendus seuls coupables d'un bilan électoral plus maigre qu'attendu. Comme si la piètre performance de Marine Le Pen elle-même lors du débat d'entre-deux tours – sortie de route dont Philippot ne peut être blâmé – n'y était pour rien. Quand l'ex-numéro 2 du Front se victimise, il n'a pas complètement tort. Et quand Marine Le Pen affirme qu'elle est «la plus solide et la mieux armée» pour 2022, le pire, c'est que cela n'est pas faux. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, au FN comme ailleurs.

Porosité idéologique avec LR

La démission de Philippot et l'émigration de lui et ses proches vers des contrées politiques voisines de Nicolas Dupont-Aignan est-elle de nature à affaiblir durablement le parti lepéniste ? A court terme, le psychodrame de ces derniers jours ne peut qu'affecter l'image d'un parti qui n'était déjà pas au mieux et le départ de son cerveau le plus structuré sera forcément un moins. Mais à moyen terme, il n'est pas interdit de penser que le FN puisse profiter de cette clarification idéologique même si elle se fait dans la douleur. Marine Le Pen ne va pas lâcher pour autant son credo de la «France des oubliés» et sa prise en compte de la question sociale – antérieure à l'arrivée de Philippot au Front – mais la «submersion» migratoire qui vient et les enjeux identitaires vont davantage occuper le devant de la scène frontiste. Comme si le FN avait compris que lors de la dernière présidentielle, il aurait eu davantage à gagner à s'adresser aux électeurs de la droite extrémisée qu'à ceux de Jean-Luc Mélenchon. La probable accession de Laurent Wauquiez à la tête de LR risque en tout cas de renforcer la porosité idéologique entre les deux formations. Reste à savoir laquelle en sortira vainqueur. Sans attendre, Mélenchon s'est, lui, adressé ce jeudi matin aux électeurs «fâchés mais pas fachos». La chasse est ouverte.