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extrême droite

Au Rassemblement national, la récup écolo version «identitaire»

Marine Le Pen présente ce lundi au Parlement de Strasbourg son «manifeste» européen. Samedi, dans le Loir-et-Cher, elle défendait une vision d’extrême droite de l’écologie.
Marine Le Pen, la tête de liste aux européennes Jordan Bardella et l’eurodéputé Nicolas Bay, à Mer (Loir-et-Cher) samedi. (Photo Yann Castanier)
publié le 14 avril 2019 à 20h36

Rendez-vous important dans la campagne du RN (ex-FN) pour les élections européennes. Ce lundi, au Parlement de Strasbourg, où se tient la dernière session plénière de la législature en cours, Marine Le Pen présente, en compagnie des candidats RN déjà connus, le «manifeste» de son parti, ainsi que son programme pour les élections de mai. Ce dernier, qui insiste sur le «désastreux bilan de l'UE», a été écrit par Nicolas Bay, eurodéputé et vice-président du groupe Europe des nations et des libertés (ENL) au Parlement européen.

«Ces gens-là»

Intitulé «Manifeste pour une nouvelle coopération : l'alliance européenne des nations», l'autre document, de 76 pages, a quant à lui été rédigé par l'intellectuel Hervé Juvin, qui est aussi présent à Strasbourg ce lundi, nouvelle tête pensante de Marine Le Pen et inspirateur du projet frontiste depuis le départ de Florian Philippot. L'homme de 63 ans, à la crinière blanche et à l'idéologie «identitaire écolo», est un adepte de la théorie du «grand remplacement», du genre à écrire qu'il faut «défendre son biotope contre les espèces invasives». Selon nos informations, le manifeste appelle - logiquement - à l'émergence d'une «civilisation écologique européenne», à contre-courant d'une prétendue «idéologie du nomadisme», décrite comme une «arme de destruction contre l'Europe».

Samedi, Jordan Bardella, 23 ans, tenait meeting avec sa patronne et Bay, à Mer, dans le Loir-et-Cher. La commune de 6 000 habitants, au centre-ville rustique et «tranquille», selon un passant, et où on a voté RN à 25 % à la présidentielle, se situe entre Orléans et Blois. Mer est connu pour être un bon coin de pêche : la Loire est à 2 kilomètres et la Tronne, où l'on fait régulièrement des lâchers de truites, traverse le village.

Le RN a organisé sa réunion dans la Halle aux grains, belle bâtisse au haut plafond rouge moderne et aux larges poutres en bois brut, devant plus de 500 personnes. Une dizaine d'opposants se sont postés en face. Leurs pancartes : «Voter FN, ça sert Aryen», ou encore «La jeunesse emmerde le Front national». «Je me souviens de la chanson, explique Léo, animateur socioculturel et barbu. Je suis venu rappeler qu'ici [à Mer], on sera toujours contre.» On demande pourquoi, selon eux, les gens votent FN. Réponse d'un ado : «A la télé, on leur dit que ça se passe mal dans les banlieues, qu'il y a des violences. Alors ils y croient et, bêtement, ils votent Le Pen.»

Sur le parking, devant, Etiennette, 60 ans, et Patrick, 65, tirent la tronche. Ils arrivent en bus d'Eure-et-Loir. «Chacun ses opinions, souffle Etiennette en pointant Léo, mais ces gens-là, ils sont naïfs.» Patrick : «Avant, j'étais comme eux. J'étais de gauche. Mais il y a eu les attentats, l'immigration, ça m'a ouvert les yeux.» Le retraité de la fonction publique, précise : «Tôt ou tard, ça finira mal.»

«Conviction»

Quelques gilets jaunes sont là aussi. Marie, 47 ans, yeux bleus, a écrit sur le dos de son gilet «Travailleuse en colère». Elle bosse à l'usine Talbot depuis douze ans, gagne 1 340 euros par mois «grâce à l'ancienneté», plus 200 «grâce aux heures sup». Elle est mère de deux enfants et dit ne plus s'en sortir : «Je frôle le rouge. S'il se passe un truc, je suis mal.» Le meeting du RN est une première pour Marie : «Je n'ai pas voté pour Le Pen à la présidentielle, j'ai voté pour personne. Parce que personne ne fait d'efforts.»

Au fond de la Halle aux grains, plusieurs personnes devisent. Mickaël, la quarantaine, chef d'entreprise, explique : «Moi, je suis là par conviction. Macron, il prend les gens pour des cons.» Un autre, costaud à moustache, coupe en brosse : «Moi et le FN, c'est une vieille histoire. Je l'ai rejoint à 18 ans, j'en ai 58. J'attends le jour où ils vont passer. De toute façon, il faudra les tester à un moment où un autre.» Mickaël : «Si vous regardez bien les infos, qui fout la merde dans le pays ? C'est pas Jean-Pierre ni François. C'est Mouloud.» Le moustachu intervient : «L'éducation nationale a perdu son nom. Comment veut-on que les enfants parlent bien français si on leur apprend l'anglais dès le CM2 ?»

Samedi, à Mer, le meeting du RN a débuté un peu après 15 heures. Bardella a pris la parole en ouverture, un peu plus de dix minutes, comme peut le faire son idole en Italie, Matteo Salvini, dans un style percutant. Il y a dénoncé la privatisation d'Aéroports de Paris et celle de la Française des jeux : «Emmanuel Macron, arrêtez de vendre ce qui ne vous appartient pas !» Nicolas Bay a ensuite expliqué que le gouvernement «justifie l'immigration massive par le déficit de natalité dans nos pays». «Mais il suffit de faire une fiscalité au service de nos populations, comme l'a fait dans son pays Orbán !» a ajouté l'eurodéputé sortant.

Marine Le Pen a, elle, expliqué que «celui qui est enraciné, il est écologiste». «Parce qu'il ne veut pas pourrir la terre sur laquelle il élève ses enfants. Celui qui est nomade, il s'en moque, de l'écologie, car il n'a pas de terre !» Du Hervé Juvin dans le texte.