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Européennes : tour d'Europe des droites eurosceptiques, populistes et radicales (1/2)

Alors que Marine Le Pen et son allié italien Matteo Salvini ont affiché samedi à Milan le casting de leur alliance des nationalistes, «Libération», en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, fait un état de lieux de cette «famille» politique aux profils variés un peu partout en Europe.
(Infographie Libération)
par Tristan Berteloot et Jean-Yves Camus, politologue, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques (Orap), Fondation Jean-Jaurès
publié le 21 mai 2019 à 7h35
(mis à jour le 28 mai 2019 à 16h21)

À des degrés divers, leur poussée dans les urnes est indéniable un peu partout en Europe. Leur capacité à s'unir et donc à peser sur la scène continentale s'avère plus hypothétique. Il faut dire que derrière les appellations «extrême droite», «droite radicale» ou «droite populiste», on trouve des formations et des groupuscules aux origines et aux intérêts divers. Alors qu'à un peu plus d'une semaine du scrutin européen, Marine Le Pen (Rassemblement national) et le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini (Ligue) ont affiché samedi à Milan le casting de leur alliance des nationalistes, Libération, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, fait un état des lieux de cette «famille» politique aux profils divers un peu partout en Europe. Premier volet, sur douze pays.

FRANCE

La droite nationale et l'extrême droite s'avancent divisées aux européennes du 26 mai, puisque le Journal officiel fait état de sept listes pouvant s'en réclamer. Il y a d'abord, évidemment celle du Rassemblement national (ex-Front national) de Marine Le Pen, qui a placé en queue plusieurs députés européens élus en 2014 (Marine Le Pen qui ne peut cumuler avec son mandat à l'Assemblée nationale, Dominique Martin, Philippe Loiseau) tandis que d'autres (dont Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch, Marie-Christine Arnautu, Marie-Christine Boutonnet, Jacques Colombier, Jean-Luc Schaffhauser et, pour cause de cumul, Steeve Briois) n'ont pas été retenus, ce qui permet un large renouvellement du contingent de tête susceptible de siéger dans la prochaine législature, mais aussi de protéger certains futurs élus, inquiétés par l'affaire des assistants FN présumés fictifs au Parlement européen et qui, une fois à Bruxelles, bénéficieront de l'immunité parlementaire. C'est le cas par exemple de la cheffe de cabinet de Marine Le Pen, Catherine Griset, mise en examen, ou encore de Dominique Bilde, accusée d'avoir eu recours à des assistants parlementaires fictifs. Le Rassemblement national, qui ne fait plus de la sortie de l'UE l'alpha et l'oméga de sa politique, a choisi comme tête de liste le jeune Jordan Bardella, 23 ans et conseiller régional. La formation est aujourd'hui en tête dans tous les sondages d'intentions de vote, devant la liste de La République en marche menée par l'ancienne directrice de l'ENA, Nathalie Loiseau. Sur le plan européen, le RN est membre du groupe ENL, coprésidé par l'un de ses cadres, élu au Parlement européen, Nicolas Bay. Le parti est proche de la Ligue de Salvini, avec qui il projette de mener la «grande alliance» des extrêmes droites à l'issue des européennes, dans un super groupe des démagogues à Bruxelles. Celui-ci va se construire à l'issue des européennes, Salvini et Le Pen en ont dévoilé les premiers contours lors d'un meeting commun le 18 mai à Milan : quelques «gros bras» populistes étaient absents… d'autres seraient encore en train d'hésiter.

MàJ, le 28/05/19 : arrivé en tête avec 23,31 % des voix, le RN a fait entrer 22 députés au Parlement européen à l'issue des élections

A côté de la liste du RN, on notera la présence de celle de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, ancien soutien de Marine Le Pen à la présidentielle. L'homme avait laissé planer le doute sur ses intentions quelques mois avant le lancement de la campagne, mais il a décidé, finalement, d'y aller seul, pour ne pas devenir «l'UDI du Front national». La liste souverainiste est menée par le député de l'Essonne – qui n'a pas l'intention de rester bien longtemps à Bruxelles s'il est élu (sa liste est pour l'instant créditée de 4,5 % des votes) – compte plusieurs anciens élus frontistes comme Florence Italiani ou Thierry Gourlot, mais pas l'actuel député européen Bernard Monot, élu sous l'étiquette FN avant de rejoindre Debout la France.

Nicolas Dupont-Aignan, comme Florian Philippot, qui a quitté le Rassemblement national (à l'époque Front national) après les législatives 2017 pour monter les Patriotes, courtisera le vote souverainiste en concurrence avec la liste Ensemble pour le Frexit dirigée par François Asselineau au nom de l'Union populaire républicaine, qui pourrait faire entre 0,5 et 1 % le 26 mai.

A noter la présence de la liste «la Ligne claire» menée par l'écrivain Renaud Camus, théoricien du grand remplacement, dont les mots d'ordre sont le combat contre cette supposée substitution de la population française «de souche» par les immigrés extra-européens, et pour la «remigration» des étrangers non européens dans leur «pays d'origine». Cette initiative, formalisée les 5 et 6 janvier 2019 à Marseille lors d'une convention du petit parti souverainiste Siel (Souveraineté, identité et libertés), est la plus proche des thèses identitaires dans l'offre politique française aux européennes.

ALLEMAGNE

L'Allemagne présente quatre listes d'extrême droite pour ces européennes. La plus importante étant celle de l'AfD (Alternative für Deutschland). Il s'agit d'un parti de droite dite «populiste», avec des accointances avec l'extrême droite. Fondé en 2013, il compte environ 33 000 membres aujourd'hui. Il a obtenu 12,6 % des voix aux dernières législatives allemandes et constitue, à l'heure actuelle, avec 91 élus, la plus grosse force d'opposition du Bundestag. L'Afd est représenté dans les seize parlements régionaux allemands (Landtage), sa tête de liste pour les européennes est le chef du parti, Jörg Meuthen, qui passe pour un libéral en matière économique mais qui, dans les faits, est soutenu par l'aile radicale de l'AfD (Flügel). Au début de l'année 2019, les services de protection de la Constitution allemande se sont intéressés aux activités de l'AfD, et ils ont été considérés, s'agissant de Flügel et de la branche «jeune» de l'AfD, Junge Alternative, que les soupçons pouvaient se justifier. L'AfD sera en concurrence pour ces élections avec le NPD, petit parti d'extrême droite fondé en 1964, qui comptait 4 500 membres en 2017. Le NPD fait état d'une parenté programmatique et lexicale avec le NSDAP d'Adolf Hitler, défendant une idéologie national-populaire et «revancharde». Le Tribunal constitutionnel allemand a déjà ordonné l'interdiction du NPD, mais celle-ci a été annulée en 2017, au motif que son existence, certes contraire à la Constitution, était trop insignifiante : il ne constitue en tout cas pas une menace pour l'ordre démocratique. Le NPD a encore un représentant au Parlement européen.

MàJ, le 28/05/19 : l'AfD (11 %) a obtenu 11 sièges au Parlement européen à l'issue des élections

Parallèlement à ces deux formations, subsistent deux groupuscules néonazis. Le premier se nomme Die Rechte («la Droite»), il a été fondé en 2012, et compte environ 650 membres, essentiellement en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Il est dirigé par Christian Worch, un néonazi bien connu en Allemagne, issu des corpos étudiantes d'extrême droite. Les services de renseignement voient dans l'idéologie et les activités de Die Rechte le prolongement de corporations néonazies pourtant interdites par la loi, ainsi qu'une parentalité idéologique avec le National-socialisme historique. A l'occasion des élections européennes, Die Rechte a pour tête de liste Ursula Haverbeck, qui s'est distinguée dans les années 90 pour négationnisme, et qui, à 90 ans, est actuellement en détention pour avoir nié la réalité de la Shoah. Der Dritte Weg («la Troisième Voie») est un autre groupuscule néonazi, fondé lui en 2013, et qui compte 500 membres, eux principalement situés dans le sud et l'est de l'Allemagne. Combatif et agressif, Der Dritte Weg apparaît comme une tentative de faire perdurer le parti Freie Netz Süd, dissous en 2014. La Troisième Voie se conçoit comme une élite arienne, mais n'a pas l'ambition de construire une organisation de masse, mais plutôt de former les cadres de la «révolution nationale». Dans sa doctrine, Der Dritte Weg se rapproche de l'organisation fasciste italienne CasaPound. 

ITALIE

La Ligue est le principal parti d'extrême droite en Italie, il gouverne le pays dans une coalition avec le Mouvement Cinq Etoiles (M5S). Son chef est Matteo Salvini, actuel vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur, un ami intime de la cheffe de l'extrême droite française, Marine Le Pen, avec qui il tente de former la «grande coalition» des partis d'extrême droite à l'issue des européennes, ce que Salvini appelle la «Ligue des ligues». La Ligue est une formation eurosceptique et souverainiste, dont les thèmes programmatiques principaux sont la lutte contre l'immigration clandestine et la sécurité. Dans son optique de regroupement des extrêmes droites, Salvini a récemment pris la parole au congrès controversé des familles à Vérone, une réunion de fondamentalistes chrétiens et de membre de l'extrême droite de toute la planète ; dont les principaux chevaux de bataille sont la lutte contre l'IVG, le mariage entre personnes de même sexe – l'homosexualité en général –, et la pornographie. Cette année, le week-end, plus médiatique que d'habitude, à cause de la venue du ministre de l'Intérieur italien, a été jalonné de polémiques : entre autres, le fait que les quelque 1 500 participants, dont l'eurodéputé, membre de la direction du RN, Nicolas Bay, se sont vus remettre un goodie représentant un fœtus de dix semaines portant la mention «l'avortement arrête un cœur qui bat». Salvini y a quand même dit qu'il ne souhaitait pas toucher à la loi 194, qui a dépénalisé l'avortement en Italie, mais il a aussi martelé que, pour lui, les familles devaient être composées «d'un papa et d'une maman». Aujourd'hui, les sondages donnent la Ligue à plus de 30 % des voix.

MàJ, le 28/05/19 : avec 34,33 % des voix, la Ligue a obtenu 28 sièges au Parlement européen à l'issue des élections

Fratelli d'Italia («Frères d'Italie») propose aussi une liste aux européennes : elle est pour l'instant créditée de 5 % des intentions de vote. Cette formation d'extrême droite est un descendant direct de l'ancien parti post-fasciste Mouvement social italien (MSI), est présente à l'Assemblée dans les rangs de l'opposition. Sa cheffe est l'ancienne ministre de la Jeunesse, Giorgia Meloni et la liste compte parmi ses candidats aux européennes Caio Giulio Cesare Mussolini, l'arrière-petit-fils de Benito Mussolini. Le parti est contre l'intégration européenne, et xénophobe. A côté, on trouve aussi CasaPound, mouvement néofasciste sans représentants au Parlement. Dans son programme, il y a la sortie de l'Italie de l'Union européenne et la nationalisation des banques et des entreprises. Ses militants sont souvent les protagonistes de violentes manifestations contre les migrants, ou d'agressions contre des militants d'extrême gauche. En Europe, CasaPound, qui connaît des accointances avec des proches de Marine Le Pen, a inspiré le groupuscule Bastion social, a aussi exprimé sa proximité avec le mouvement extrémiste grec Aube dorée. Forza Nuova est un parti néofasciste non présent au Parlement. Son chef, Roberto Fiore, avait été reconnu coupable d'association subversive et de bande armée en 1985. Il s'était enfui en Angleterre avec le statut de «réfugié politique». Cette formation d'extrême droite se distingue par ses positions xénophobes, homophobes et ultra-conservatrices sur les questions éthiques. Ses militants ont été les auteurs récemment de nombreuses attaques contre les immigrés et les journalistes.

MàJ, le 28/05/19 : avec 8,79 % des votes, Fratelli d'Italia a obtenu 5 sièges au Parlement européen à l'issue des élections 

HONGRIE

Fidesz est le parti populiste antimigrants et eurosceptique le plus puissant du pays, et malgré son radicalisme idéologique, il siège au Parlement européen au sein du PPE – bien qu'il en a été suspendu en mars, pour des positions jugées trop droitières. Le chef du Fidesz, le Premier ministre Viktor Orbán, n'a pas encore décidé si sa formation allait rester au PPE après les élections, ou s'il allait devenir le pilier central d'une alliance populiste, notamment celle souhaitée par Marine Le Pen et Matteo Salvini. Cela dépendra de la performance des partenaires potentiels aux élections européennes. Il rejoindra ceux qui lui offriront la plus grande marge de manœuvre. Orbán a en tout cas récemment brouillé les pistes : il a d'abord refusé d'apporter son soutien à Manfred Weber, qui mène la liste du Parti populaire européen, et il a aussi assuré n'avoir «rien à voir avec Marine Le Pen. Rien», alors que l'ex-candidate à la présidentielle multiplie depuis des semaines les appels du pied vers lui et que ses lieutenants le citent régulièrement comme un modèle politique à suivre. Le Fidesz peut quoi qu'il en soit observer la campagne de loin : il est presque certain qu'il obtiendra 50 % des suffrages aux élections de mai, ce qui lui donnerait treize à quinze sièges au Parlement européen.

MàJ, le 28/05/19 : le Fidesz a réalisé un score de 52,33 %, et fait entrer 13 députés au Parlement européen à l'issue des élections

Jobbik : l'ancien parti d'extrême droite hongrois connaît de graves difficultés, alors que le Fidesz lui a volé sa place, il essaye lui de recentrer son discours, ce qui lui a fait perdre pas mal de votes aux élections de 2018. Depuis lors, les (anciens) skinheads, (anciens ?) antisémites et xénophobes qui le composent, la jouent plus modérée, même s'ils laissent parfois tomber le masque. Difficile de prédire l'avenir du Jobbik, la formation est attendue à la deuxième place des élections, même si on ne peut exclure que sa crise d'identité ait définitivement érodé ses soutiens. Il a entamé vers 2016 une mutation idéologique qui l'a conduit à envisager une alliance avec la gauche pour faire tomber le gouvernement Orbán, principalement critiqué pour sa politique économique défavorable aux couches populaires et marquée par un clanisme qui donne à ses proches les bénéfices des privatisations. Jobbik, qui avait créé en 2007 une milice paramilitaire, la Garde hongroise, était un parti europhobe et raciste, principalement envers la minorité tsigane. Le changement est désormais total puisque le parti dirigé par Tamàs Sneider est devenu pro-européen, partisan de l'Etat de droit et de la séparation des pouvoirs, d'un Etat protecteur socialement et agissant pour sauvegarder le patrimoine naturel du réchauffement climatique. Jobbik a au fond été doublé, lors de la crise migratoire de 2015, par la surenchère anti-immigrés de Orbán. A partir de cette date, le parti a joué la carte de l'opposition tous azimuts pour continuer à exister politiquement, mettant de plus en plus l'accent sur la corruption du régime et la nécessité de le faire tomber à tout prix.

MàJ, le 28/05/19 : avec 6,41 % des voix, Jobbik a obtenu un siège au Parlement européen à l'issue des élections

Mi Hazánk (Notre Patrie) : il s'agit de l'aile droite radicale désormais indépendante du Jobbik, une formation politique extrémiste homophobe ouvertement antitsigane et antisémite, qui tente de surpasser le Fidesz dans ses discours en matière de surveillance antimigrants et son eurosceptiscisme. Selon les sondages actuels, leurs intentions de votes sont proches de zéro. Le manifeste de Notre Patrie débute ainsi : «Nous sommes une nation qui est également fière de sa culture chrétienne occidentale millénaire, de ses valeurs préservées et de sa splendeur glorieuse héritées des anciens Hongrois de la steppe. Pour définir notre identité, nous introduisons un nouveau concept : l'idée de la civilisation du Nord, qui s'étend géographiquement du Kamchatka à Reykjavík, en termes politiques, c'est une fondation chrétienne de l'Europe et de l'Asie». Et cette idée est à rapprocher du suprémacisme finno-ougrien de Ruben Kaalep, le député estonien de Ekre...

ESTONIE

Aux élections législatives estoniennes du 3 mars 2019 le Parti populaire conservateur, Ekre, est arrivé en seconde position avec 17,8 % des voix et seize élus (+7 %). Le Premier ministre centriste sortant Jüri Ratas, reconduit, a fait appel à la formation ultranationaliste dans la coalition qu'il dirige avec les conservateurs affiliés au PPE. Le dirigeant d'Ekre, Mart Helme, est deveu ministre de l'Intérieur, et son fils Martin Helme, ministre des Finances.

Marine Le Pen a mentionné le parti comme un partenaire possible dans le prochain Parlement européen, elle s'est d'ailleurs affichée aux côtés de représentants du parti il y a peu ; la liste pour le 26 mai étant tirée par le tandem Helme et comprenant en position favorable Jaak Madison, auteur d'une célèbre déclaration expliquant que certes, «il y avait eu des camps de concentration, de travail forcé, et des jeux avec des chambres à gaz», mais que le nazisme avait, «avec sa notion de l'ordre, sorti l'Allemagne de la merde». Sinine Aratus, le mouvement de jeunesse du parti dirigé par Ruuben Kaalep, avec qui Marine Le Pen a été photographiée reproduisant un signe de ralliement des suprémacistes blancs, diffuse les idées de l'alt-right américaine (notamment du mouvement suprémaciste Identity Europe, comme du site counter-currents.com), la vision racialiste et nordiciste du Français Guillaume Faye, ainsi qu'un paganisme qui fait beaucoup appel à l'identité des peuples finno-ougriens.

MàJ, le 28/05/19 : Ekre (12,70 %) a fait entrer un député au Parlement européen à l'issue des élections

Ekre est d’ailleurs une formation qui défend l’idée d’ethno-pluralisme et d’Etat ethnique en solution ultime et au minimum, d’une Europe des Etats-Nations opposée à toute forme de multiculturalisme. Lié à ses équivalents letton et lituanien, Ekre est évidemment très suspicieux de l’influence du voisin russe. Il est crédité de 12,4 % dans les sondages, soit un siège.

AUTRICHE

En Autriche, le FPÖ (Parti de la liberté), au pouvoir dans la coalition de droite au gouvernement fédéral, est le seul parti d'extrême droite du pays à avoir réussi à présenter une liste aux européennes cette année. La formation populiste a été fondée en 1955. Son premier président était l'ancien chef de brigade SS Anton Reinthaller. Jusqu'à encore récemment, ses cadres se distinguaient régulièrement avec des déclarations racistes, antisémites, ou islamophobes. A partir de 1986, sous la présidence de son chef Jörg Haider, le FPÖ a connu une ascension rapide : entre 2000 et 2006, il a gouverné pour la première fois en Autriche en rejoignant une coalition de droite et d'extrême droite. Mais en 2005, Haider a provoqué une scission au sein du parti et fondé l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (Bündnis Zukunft Österreich), qui n'a pas connu de succès. Depuis cette date, Heinz-Christian Strache était le dirigeant du FPÖ, il était même  devenu vice-chancelier : il a démissionné depuis, englué dans un énorme scandale de corruption. La formation, alliée du Rassemblement national au Parlement européen, se prononce pour l'interdiction du voile dans l'espace public, souhaite qu'aucune demande d'asile ne puisse plus être déposée en Europe, et prône l'expulsion systématique des migrants dès lors qu'ils sont au chômage. En dernier recours, le FPÖ considère aussi qu'une sortie de l'Autriche de l'Union européenne, puisse être envisagée. Depuis 2015, il gouverne la région Burgenland avec les socio-démocrates et la région Oberösterreich avec les conservateurs. En 2014, il avait recueilli 19,7 % des voix. Il était, jusqu'à il y a peu, crédité de 23% des intentions de vote.

MàJ, le 28/05/19 : le FPÖ a fait 17,20 % aux élections et obtenu 3 sièges au Parlement européen

PAYS-BAS

Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, à La Haye le 15 mars.

Photo John Thys. AFP

Aux Pays-Bas, les élections provinciales du 20 mars 2019 ont vu le Forum pour la démocratie, sorte d'ovni politique fondé par Thierry Baudet, arriver en tête avec 14,53 % devant les libéraux du Premier ministre Mark Rutte. Le Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders a réalisé une grosse contre-performance en passant de 11,73 % (2015) à 6,94 %. Le duel se reproduira aux européennes entre la liste menée par le sortant Marcel De Graaf pour le PVV qui siège avec le groupe ENL mené par le RN, et celle du journaliste Derk Jan Eppink, qui fut comme Wilders le collaborateur du commissaire européen libéral Frits Bolkestein, avant de se présenter en 2009 aux européennes en Belgique sur la liste du député (ex-libéral, ex NVA) Jean-Marie Dedecker.

MàJ, le 28/05/19 : à 10,90 % à l’issue des élections, le FvD a fait entrer 3 députés au Parlement européen

Le PVV, si on se réfère au discours prononcé à Prague le 25 avril par Geert Wilders en présence de Marine Le Pen, veut revenir à l'Europe des Etats-Nations, mais le second point du programme du parti reste la sortie de l'UE. Partisan de la démocratie directe et de l'abolition du Sénat, il se focalise surtout sur la «désislamisation des Pays-Bas» qui passerait par l'arrêt de l'immigration et de l'accueil des réfugiés de pays musulmans, l'interdiction de la diffusion du Coran et de l'abattage rituel halal (et casher), la fermeture des écoles musulmanes et des mosquées.

Proche des lobbys conservateurs américains engagés contre l’islam comme du représentant républicain et suprémaciste Steve King, Wilders inscrit le PVV dans une tradition judéo-chrétienne et pro-israélienne (Gideon Markuszower, né à Tel-Aviv et responsable de la communauté juive orthodoxe d’Amsterdam, est sénateur du PVV). Si le programme du PVV présente un aspect «social» avec le refus du recul de l’âge du départ en retraite au-delà de 65 ans et l’encadrement des loyers, il propose aussi une forme d’ultralibéralisme comprenant l’arrêt du financement public, pêle-mêle, pour l’audiovisuel public, l’art, l’innovation et l’aide au développement, alors que devrait augmenter le budget de la Défense et de la police.

Le Forum pour la démocratie est moins radical, bien qu'il partage cette volonté de sortir de l'UE, de limiter drastiquement l'immigration et de mettre en place, comme tous les populistes, la démocratie directe. Il est plus classiquement libéral en économie et sa percée électorale doit beaucoup à la personnalité de son fondateur, Thierry Baudet, qui joue de son goût pour la théorie politique, de son passé de journaliste et d'universitaire (juriste) et de son âge (36 ans) qui permet de dénoncer la sclérose du «cartel des partis» dominants.

POLOGNE

Le parti Droit et Justice (en polonais : Prawo i Sprawiedliwość, PiS) est une formation de droite fondée en 2001 par les jumeaux Lech et Jarosław Kaczynski (le premier est mort dans un accident d'avion en 2010, et son frère est depuis le président du mouvement). Elle est au pouvoir en Pologne depuis les élections de 2015, mais est régulièrement accusée de démanteler la démocratie avec des politiques conçues pour contrôler les médias et le système judiciaire. Il s'agit d'un parti national-conservateur, qui défend l'importance des valeurs familiales traditionnelles, s'oppose aux mariages des personnes du même sexe, au droit à l'avortement et à l'éducation sexuelle. En 2016, PiS a abandonné un projet de réforme visant à criminaliser les femmes se faisant avorter. Mais le parti conservateur a proposé deux ans plus tard de supprimer l'autorisation d'avorter en cas de malformation grave du fœtus, qui représente pourtant 95 % des interruptions volontaires de grossesse légales dans le pays. Pendant la crise des migrants en Europe, le gouvernement du PiS s'est opposé à une réinstallation massive de réfugiés, tandis que son chef, Jarosław Kaczynski, justifiait la chose en expliquant que les réfugiés pouvaient être porteurs de diverses maladies. Au Parlement européen, la formation est membre du groupe ECR, et selon les sondages, elle pourrait passer de 33 % à 40 % des voix aux élections de mai. PiS fait partie des formations que le Rassemblement national français et la Lega italienne aimeraient voir rejoindre la future «grande coalition» des extrêmes droites après les européennes, mais le PiS ne veut pas entendre parler du RN, qui jouit hors des frontières, d'une réputation désastreuse.

MàJ, le 28/05/19 : avec 45,38 % des suffrages, le PiS a fait entrer 26 députés au Parlement européen à l'issue des élections 

La Confédération KORWiN Braun Liroy Nationalists est une coalition formée de partis d'extrême droite polonais et de nationalistes, créée en 2019. Parmi ses dirigeants figurent Robert Winnicki, un leader du mouvement nationaliste polonais Ruch Narodowy («Mouvement national»), une activiste pro-vie bien connue, Kaja Godek, et un ancien député européen, Janusz Korwin-Mikke, qui a fait la une des journaux il y a peu en comparant l'Union européenne au IIIReich, et en affirmant que les femmes sont moins intelligentes que les hommes. La coalition est eurosceptique, ses dirigeants soulignent la nécessité de faire passer les intérêts de la Pologne avant tout : les sondages la donnent à 3 % des intentions de vote aux élections de mai.

Kukiz'15 est un mouvement politique dirigé par l'ancien musicien rock Paweł Kukiz, formé en 2015 et qui compte actuellement 42 sièges au Sejm (ou Diète), la chambre basse du Parlement polonais. Bien qu'il ne se décrive pas comme de droite, mais simplement comme «antisystème», Kukiz'15 est formé de personnes issues de la droite, et coopère avec Ruch Narodowy. Les sondages le donnent pour l'instant à 5 %.

Kongres Nowej Prawicy («Congrès de la nouvelle droite», KNP) est un parti politique eurosceptique fondé en 2010. Quatre de ses membres siègent au Parlement européen. Il plaide pour l'Europe des Nations et est membre à Bruxelles, avec la Ligue, le FPÖ et le Rassemblement national, entre autres, du groupe ENL.

Ruch Prawdziwa Europa – Europa Christi est un parti conservateur et catholique fondé en 2019 dans le but de se présenter aux élections européennes, avec Mirosław Piotrowski (eurodéputé élu sur la liste PiS). L'homme dit qu'il veut restaurer les valeurs chrétiennes en Europe et s'oppose au droit à l'avortement, ainsi qu'aux droits des personnes LGBT. Les sondages le créditent de 1 % des intentions de vote.

BULGARIE

Le ministre de la Défense bulgare, Krassimir Karakachanov, leader du parti nationaliste VMRO-Mouvement national bulgare, le 20 avril 2017 à Sofia.

Photo Dimitar Dilkoff. AFP

Dans l'actuel du Parlement européen, le parti Prezaredi Balgariya («Recharger la Bulgarie») de Nikolay Barekov siège au sein du groupe ECR, sur un agenda eurosceptique, nationaliste et populiste, par ailleurs favorable à la restauration de la monarchie qui, en Bulgarie, est synonyme de démocratie puisque l'ancien roi Siméon II (il règne à l'âge de 6 ans, entre 1943 et 1946) a été un Premier ministre libéral entre 2001 et 2005. Les Patriotes unis, coalition des partis nationalistes qui participent depuis mai 2017 au troisième gouvernement conservateur de Boïko Borisov, partent divisés. Le parti nationaliste-conservateur et fortement teinté d'orthodoxie VMRO-Mouvement national bulgare, de l'actuel ministre de la Défense, Krassimir Karakachanov, présente sa propre liste (un siège actuellement). Créditée de 10,7% des voix, elle appelle à la reconstitution d'un Etat comprenant l'actuelle Macédoine. C'est sur elle que se concentre à ce jour le vote nationaliste.

MàJ, le 28/05/19 : VMRO a obtenu 7,20 % des voix et fait entrer 2 députés au Parlement européen à l’issue des élections

De son côté le Front national pour le salut de la Bulgarie (NFSB, crédité de 3%) dirigé par Valeri Simeonov, poursuit un agenda eurosceptique, anti-immigration et anti-islam ce qui, dans le contexte local, signifie à la fois opposition résolue à la Turquie et aux droits de la minorité musulmane, qui est largement composée de Slaves islamisés présents depuis des siècles et de nationalité bulgare. La troisième composante des Patriotes unis, le parti Ataka dirigé par Volen Siderov, brigue aussi un siège à Bruxelles. Son idéologie radicale, ouvertement homophobe, anti-Rom et antimusulmane, ainsi que son irrédentisme territorial, en fait un parti d'extrême droite classique, naguère ouvertement antisémite, convaincu que la Bulgarie est victime d'un vaste complot international (notamment «sioniste») dont il n'est possible de se débarrasser qu'en sortant de l'UE comme de l'Otan. Ataka est aussi un curieux mélange de cléricalisme orthodoxe et de volonté de bâtir un Etat social, d'une certaine manière nostalgique de ce qu'a pu être la protection sociale de l'époque communiste. L'impact du mouvement, qui atteignait encore 9% des voix aux législatives de 2017, semble beaucoup fléchir.

Enfin le parti Volya, dirigé par Veselin Mareshki, est déjà l'allié du Rassemblement national français au sein du groupe Europe des nations et des libertés. Nationaliste et russophile, opposé à l'immigration et partisan du coup de balai pour renvoyer une classe politique jugée corrompue, il est représenté au Parlement national par 12 députés (4,15% des voix). Il est crédité de 4,9% des suffrages, soit au-dessous du seuil de représentation établi à 6%.

CROATIE

En Croatie, le parti conservateur HDZ, historiquement porteur de la volonté d'indépendance nationale depuis la guerre en ex-Yougoslavie, n'a de concurrence que marginale à droite. Un parti populiste inclassable, Zivi Zid («Bouclier humain»), fondé pour mobiliser contre les expulsions des personnes endettées, a fait son entrée au Parlement national en 2016 mais n'a pas grand-chose à voir avec la droite classique puisqu'il est résolument laïc, attaché à la défense de l'environnement et des libertés individuelles et favorable à la légalisation de la marijuana, tout en faisant campagne contre la corruption et les élites politiques. Cette liste est créditée d'un siège par les sondages. Une autre formation, celle-ci plus à droite, se présente sous le leadership de Bruna Esih, une ancienne mais jeune parlementaire du HDZ. Son mouvement, les Indépendants pour la Croatie, se réclame de la tradition nationalisme conservatrice remontant au «Père de la nation», l'écrivain Ante Starcevic (1823-1896).

MàJ, le 28/05/19 : avec 5,66 % des votes, Zivi Zid a obtenu un siège au Parlement européen à l'issue des élections

Plus à droite encore, l'eurodéputée sortante Ruza Tomasic, membre du Parti conservateur croate, mène une liste d'union avec le parti Hrvatski Rast («Croissance croate») fondé par les milieux conservateurs catholiques qui se sont séparés du HDZ sur les questions de la participation à l'UE, du refus de la ratification de la convention d'Istanbul sur les violences faites aux femmes et des valeurs traditionnelles (le parti appartient, sur le plan européen, à l'ECPM). Dans cette même coalition se trouve le Parti du droit-Ante Starcevic, formation souverainiste qui est la fraction la plus modérée de la flopée de mouvements qui, depuis l'indépendance de 1990, se réclame du Parti du droit fondé en 1861 par Starcevic pour porter la revendication nationale et dont les Oustachis des années 30 furent la branche pro-fasciste. Ces deux dernières listes ne devraient pas obtenir d'élus.

CHYPRE 

A Chypre, les sondages donnent au parti Elam («Front populaire national»), qui est plus ou moins sur la ligne idéologique de l'Aube dorée grecque, entre un et deux sièges avec un score d'environ 8%. Fondé en 2008, il continuerait ainsi une ascension rapide qui l'a vu conquérir en 2016 deux sièges au Parlement national avec 3,71%. La liste conduite par Marios Vassiliou fait campagne sur ces thèmes de prédilection, ce qu'elle nomme «l'héllénisme chypriote» : la nécessité de constituer en Europe un vaste mouvement antiturc et anti-islamique car «seule une Chypre forte dans une Europe nationaliste peut arrêter la Turquie» (Chypre est une île dont la partie nord est occupée par un gouvernement non reconnu internationalement, aligné sur Ankara et représentant la population turque de l'île) ; refus de la partition de l'île et de l'accord entre Athènes et Skopje sur la Macédoine ; refus de l'immigration ; objectif final l'Enosis, ou rattachement à la Grèce, comme le montrent les cérémonies organisées par Elam en l'honneur de l'organisation EOKA, qui combattait entre 1955-1974 pour le pan-héllénisme ; alignement sur le secteur le plus conservateur de la puissante église orthodoxe chypriote. Elam est, avec Aube dorée, le seul parti d'extrême droite non marginal à citer comme référence idéologique, à côté de Nietzsche et du philosophe allemand Herder, les ouvrages de Julius Evola. Incontestablement radical, au choix néofasciste ou nationaliste-révolutionnaire, Elam avait participé, en France, à plusieurs événements publics organisés par le GUD.

DANEMARK

Au Danemark, le Dansk Folkeparti («Parti du peuple danois»), crédité de plus de 16 % des suffrages, serait le troisième parti du pays après les sociaux-démocrates et les libéraux, en baisse par rapport à sa performance des législatives de 2015 (21,1%) qui l'avaient placé en seconde position et en capacité, sans pour autant participer au gouvernement, d'imposer à la coalition des sociaux-démocrates et des libéraux son agenda identitaire et anti-immigration. Le 5 juin auront d'ailleurs lieu des élections législatives en vue desquelles les sondages ne sont pas fameux pour DF, crédité d'environ 12% des voix et qui, fait totalement nouveau, se montre désormais dans les événements internationaux organisés par Matteo Salvini et Marine Le Pen.

MàJ, le 28/05/19 : Dansk Folkeparti (10,70 %) a fait entrer un député au Parlement européen à l'issue des élections

Une concurrence est née sur le créneau identitaire et nationaliste danois. D'une part le parti Stram Kurs («la Ligne dure»), fondé en 2017 par l'avocat Rasmus Paludan, défend un programme proche de celui du néerlandais Geert Wilders et des Français de la Ligne claire, soit l'interdiction de l'islam et la remigration, mais encore plus radical sur la nécessaire homogénéité ethnique du pays. Crédité d'entre 2% et 3% des voix, il devrait entrer au Parlement national mais ne se présentera pas aux européennes. Nye Borgerlige («Nouvelle droite»), fondé en 2015 par une dissidente du Parti conservateur populaire, Pernille Vermund, tente de récupérer l'électorat de DF en le contournant sur sa droite, par exemple en suggérant que les immigrants qui ne peuvent subvenir à leurs besoins et ceux qui ont été condamnés, ne serait-ce qu'une fois, soient renvoyés, ou encore que le droit d'asile cesse d'exister. Sans vouloir interdire l'islam, bien «qu'il s'oppose à la démocratie et aux libertés» le parti veut interdire totalement le port du hijab, abolir la législation antiraciste et interdire tout traitement spécifique des musulmans dans les services publics (par exemple, le droit de demander de la nourriture hallal à l'hôpital). Le parti veut un référendum sur la sortie de l'UE, qu'il appelle de ses vœux. Il concentre son effort sur les législatives et ne se présente pas de liste aux européennes. Pour éviter toute confusion, signalons que le Folkebevægelsen Mod EU (Mouvement populaire contre l'UE) est un mouvement hostile à l'Union mais il est affilié au groupe GUE au Parlement européen.