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Européennes : tour d'Europe des droites eurosceptiques, populistes et radicales (2/2)

Alors que Marine Le Pen et son allié italien Matteo Salvini ont affiché samedi à Milan le casting de leur alliance des nationalistes, «Libération», en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, fait un état de lieux de cette «famille» politique aux profils variés un peu partout en Europe.
(Infographie Libération)
par Tristan Berteloot et Jean-Yves Camus, politologue, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques (Orap), Fondation Jean-Jaurès
publié le 24 mai 2019 à 16h08

Retrouvez la première partie de notre tour d'Europe des droites eurosceptiques, populistes et radicales, ici.

Jussi Halla-aho, secrétaire général du Parti des Finlandais, le 14 avril à Helsinki. (Photo Vesa Moilanen. AFP)

FINLANDE

Le Parti des Finlandais (PS), anciennement «Vrais Finlandais», est arrivé second aux dernières législatives du pays, le 14 avril. Il a obtenu 17,48% des voix, soit seulement 0,25% de moins que le vainqueur social-démocrate. Dirigé par Jussi Halla-aho, partisan d'une ligne idéologique dure compatible avec une alliance avec le Rassemblement national de Marine Le Pen, le PS a pris l'ascendant sur la Réforme bleue, le mouvement fondé par le ministre des Affaires étrangères et ancien dirigeant du parti, Timo Soini, qui l'avait quitté en 2017 pour ne pas être associé à la fraction radicale qui avait pris le contrôle des instances.

Avec un score 0,97% aux législatives, la Réforme bleue n’a guère d’espoir de faire élire sa tête de liste aux européennes, Sampo Terho, un eurosceptique modéré. Suomen Kansa Ensin («Les Finlandais d’abord») a obtenu 0,1 % aux législatives, défend un programme de sortie de l’UE, comme de l’OTAN, ainsi que d’hostilité radicale à l’immigration comme à l’islam. Elle ne représente pas davantage de danger pour le Parti des Finlandais, qui dispose aujourd’hui de deux élus à Bruxelles, affiliés au groupe ECR, et que les sondages donnent à son niveau des législatives.

Menée par Simo Grönroos, la liste PS se définit comme «social-patriote et chrétienne», voulant représenter les «Finlandais de base», en particulier les pauvres et les marginalisés, ce qui explique qu'il soit à la fois favorable à la libre entreprise et à un maintien de la protection sociale étatique pour les plus faibles et les personnes âgées. Le PS est un parti favorable à l'Europe des Nations, hostile à l'immigration et à l'islam, sa définition de l'identité nationale est de nature ethnolinguistique et exclut de fait les deux minorités nationales, suédoise et sami. Le dirigeant social-démocrate Antti Rinne est actuellement en train de former un gouvernement de coalition avec les centristes. La participation du PS au gouvernement n'aura donc duré que de 2015 à 2017, les ministres passés à la Réforme bleue étant destinés à quitter leurs postes une fois le nouveau cabinet formé.

IRLANDE

Hermann Patrick Kelly, ancien éditeur du journal The Irish Catholic et désormais directeur de la communication du groupe parlementaire EFDD, a lancé en septembre 2018 le Irish Freedom Party, aussi connu sous le nom de Irexit Freedom Party, dont il est le président. Il s'agit d'un parti populiste de droite, favorable à la sortie de l'Union européenne et à la démocratie directe. Nigel Farage, alors président de UKIP, a participé en février 2018 à la conférence qui a précédé le lancement officiel de la formation, dont les candidats se montrent sous l'étiquette d'indépendants. Kelly se présente dans la circonscription de Dublin et l'autre tête du parti, Dolores Cahill, dans la circonscription du sud du pays.

Elle sera confrontée à la concurrence de Jan van de Ven, candidat du mouvement eurosceptique et populiste Direct Democracy. Direct Democracy présente trois autres candidats : Neville Bradley, pour qui l'Etat d'Israël «n'a aucune légitimité» et qui accuse régulièrement l'Etat hébreu de «génocide» sur son compte Twitter ; Anthony Connor et Steve Sinclair. Dans une catégorie idéologique proche de celle de Bradley se présente à Dublin, sous l'étiquette d'indépendante, la journaliste Gemma O'Doherty, pour qui les attentats de Christchurch, qui ont visé deux mosquées en Nouvelle-Zélande le 15 mars, sont des actions sous «fausse bannière» (false flag) destinées à provoquer des attaques de Daech, et qui prétend également que l'incendie de Notre-Dame-de-Paris est un «acte de guerre» commis par l'Etat contre l'Eglise, dans la lignée des «deux cents ans de guerre maçonnique contre l'Eglise». Les autres minuscules formations de droite catholique conservatrice (Christian Solidarity Party) et identitaire (Identity Ireland) ne participent pas au scrutin.

LETTONIE

En Lettonie, le principal parti nationaliste, siégeant au gouvernement en coalition avec la droite conservatrice et les libéraux, et ayant depuis 2004 un siège au Parlement européen est l'Alliance nationale (TB-LNNK). Son chef de file est Robert Zile, qui siège au sein du groupe ECR, secondé par l'actuelle ministre de la Culture Dace Melbarde et par le journaliste d'investigation Ansis Pupols. L'Alliance est un parti national-conservateur, partisan d'une Europe des Nations, très hostile à toute forme de multiculturalisme et d'immigration ainsi qu'à l'expression des droits de la minorité russe, qui représente un quart de la population.

Elle considère que la «lettonisation» de la culture et de l'enseignement doit continuer et que les crimes du communisme, mis sur un pied d'égalité avec ceux du nazisme, n'ont pas encore été totalement établis et jugés. En plus d'un anticommunisme acharné, l'Alliance nationale a un projet géopolitique qui est celui de l'Intermarium (comme certains élus estoniens avec qui s'est affichée Marine Le Pen), né dans la Pologne des années 20 en tant que projet d'union des Etats baltes, de l'Ukraine, de la Pologne et de la Biélorussie pour faire contrepoids à l'expansionnisme russe. Enfin, le parti considère comme des patriotes, innocents de la moindre culpabilité dans la Shoah et l'appui au nazisme, les volontaires de la Légion lettone qui ont combattu aux côtés des troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. TB-LNNK sera en concurrence avec de petites formations populistes et/ou nationalistes : Eiroskeptiku Ricibas Partija, dirigé par Einars Graudins ; le curieux Centra Partija, censément chrétien-conservateur et qui présente en tête de liste Aigars Bitans, suivi par le député allemand de l'AfD, Waldemar Herdt ; et enfin Latviesu Nacionalisti dont le leader est l'ancien député Andris Rubins, dans une veine proche des droites radicales ouest-européennes. Seule l'Alliance a des chances d'empocher un siège, et peut-être même deux.

L'ex-président lituanien Rolandas Paksas, en 2011 à Vilnius. (Photo Petras Malukas. AFP)

LITUANIE

Dans le jeu politique lituanien, dominé par les sociaux-démocrates d'une part, les démocrates-chrétiens conservateurs de l'Union de la Patrie de l'autre, il reste peu de place pour les formations d'extrême droite. Deux sont en lice aux européennes. Les partisans de l'ancien président de la République Rolandas Paksas, destitué pour corruption en 2004, sont regroupés sur la liste Visuomeninis rinkimu komitetas Prezidento Rolando Pakso judejimas.

Paksas, député européen depuis 2009, siégeant au sein du groupe ELDD, brigue un nouveau mandat, avec un programme populiste d'opposition à l'Union européenne dont il récuse, pêle-mêle, la politique migratoire qui aboutit selon lui aux attentats terroristes, le projet vide de sens, les aides massives au secteur financier et une politique agricole qui inciterait les paysans lituaniens à abandonner la terre. Son objectif est de rétablir «une communauté d'Etats égaux et indépendants».

Jusqu'en 2016, Paksas était à la tête d'un autre parti nationaliste et populiste, Ordre et Justice (TT), désormais dirigé par le député Remigijus Zemaitaitis. TT promeut la «renaissance morale, la promotion de la culture autochtone et l'élaboration de politiques familiales efficaces», le «retour des immigrants dans leur pays d'origine», le remplacement de la démocratie représentative par la démocratie directe et la dévolution d'un certain nombre de prérogatives de l'Etat, jugé hypertrophié, aux municipalités.

LUXEMBOURG

Il n'existe pas de formation d'extrême droite au Luxembourg, mais un parti conservateur de droite favorable à l'Europe des Nations et à la promotion de l'identité nationale, en particulier linguistique, du pays : l'ADR (Parti réformiste d'alternative démocratique), membre du parti européen correspondant au groupe ECR et fondé en 1987. Aux législatives de 2018, le parti a emporté quatre députés, avec 8,3% des voix. Menée par Gast Gibéryen, la liste ADR fait campagne sur la préservation des spécificités culturelles nationales issues de l'héritage gréco-romain et de la civilisation judéo-chrétienne. Et si elle réclame un processus d'intégration plus exigeant des immigrants, ainsi qu'une régulation de l'immigration en fonction des capacités d'absorption d'un pays de 613 000 habitants, elle mentionne explicitement le maintien du droit d'asile pour les victimes de persécutions politiques ou religieuses, tout en réclamant une politique européenne plus stricte contre l'immigration illégale et les «abus» du droit d'asile.

L’ADR est favorable à une réforme de l’UE qui passe par la règle de l’unanimité des prises de décision, notamment sur les questions fiscales et de politique étrangère commune. Elle défend la famille et le rôle complémentaire des sexes. Un des aspects les plus intéressants de son programme est sa volonté d’établir un modèle de croissance raisonnable, pour préserver le caractère spécifique et traditionnel du Grand-Duché ; bien qu’économiquement libéral, le parti souhaite ainsi que l’implantation de nouvelles entreprises étrangères ne soit possible qu’après une étude d’impact et sans que soit accordé d’avantage fiscal.

MALTE

La situation géographique de Malte, île située en première ligne pour l'accueil des immigrants clandestins venus d'outre-Méditerranée, ainsi que la domination auparavant incontestée du condominium entre socialistes et conservateurs sur une vie politique minée par les affaires de corruption, donne un petit espace à des mouvements nationalistes eurosceptiques opposés à l'immigration. Le premier est Alleanza Bidla (Alliance pour le changement), formation chrétienne conservatrice et eurosceptique fondée en 2013 par Ivan Grech Mintoff et affiliée à l'ECPM.

La liste qu'il conduit refuse la «politique des frontières ouvertes», qui conduit à une «course à la baisse» des salaires locaux ; elle demande au gouvernement de rendre publiques des données démographiques à jour, pour déterminer la population totale de l'île, notamment le nombre d'étrangers européens et non européens, d'immigrés, de résidents originaires des «pays de l'Est», tout ceci dans le but de mieux planifier la croissance, qui lui semble trop forte et trop rapide par rapport à la rareté des ressources foncières en particulier. Un paragraphe de son programme s'intitule «Arrêtons le trafic humain et sauvons des vies humaines» et réclame une réforme du système de Dublin ainsi qu'une lutte contre les ONG qui portent secours aux migrants. Un autre demande la «sauvegarde de nos valeurs chrétiennes», en particulier sur les questions de la famille et du genre. Le parti souhaite une Europe des Nations souveraines.

Le Moviment Patrijotti Maltin, créé en 2016 par Henry Battistino, surfe sur le même agenda anti-immigration, avec une tonalité moins policée, comprenant une demande explicite de réduire la présence des religions non-chrétiennes à un seul lieu de prière dans le pays, l'islam étant particulièrement visé. Malte est enfin connue pour abriter le minuscule parti Imperium Europa, fondé par Norman Lowell, ancien banquier reconverti dans le suprémacisme blanc, l'antisémitisme et l'apologie du fascisme local, qui avait prospéré pendant l'occupation italienne de l'île. Sa doctrine confuse est contenue dans l'ouvrage Imperium, qui aborde les sujets de la «race, la culture, la religion, l'art, la franc-maçonnerie et "l'Ennemi du Monde"». Un sondage crédite sa candidature de 1,6% des intentions de vote.

PORTUGAL

L'offre nationaliste de droite est très réduite au Portugal, où l'équivalent de la question catalane en Espagne n'existe pas pour fournir des arguments à l'extrême droite. Le minuscule Partido Nacional Renovador (PNR), fondé en 2000, ne dépasse pas les 0,5% aux élections législatives. Sa liste, emmenée par son secrétaire général João Patrocínio, a pour slogan : «Le Portugal aux Portugais dans une Europe européenne.» Son programme se prononce contre la décadence, la corruption, la «destruction des valeurs nationales et sociales» comme l'idéologie du genre, l'«invasion migratoire», «l'islamisation», la «culture de mort» et le «marxisme culturel».

Comme le RN de Marine Le Pen mais avec un accent plus prononcé mis sur le droit à la vie, le PNR veut désormais changer l'UE «de l'intérieur», en lien avec les autres partis de la droite nationale. La nouveauté dans cette élection tient dans la création du mouvement Chega ! («Arrive !»), une coalition du Parti monarchiste portugais (PPM), du Parti citoyenneté et démocratie chrétienne et du mouvement Démocratie 21. La tête de liste est André Ventura, ancien maire de Loures (205 000 habitants) élu sous l'étiquette du Parti Social-Démocrate (droite, avec l'appui du PPM), connu pour ses propos sur les «problèmes causés par la communauté tsigane». La déclaration de constitution du mouvement donne comme points fondamentaux de son programme «la protection de la dignité de la personne contre toutes les formes de totalitarisme» ; la «protection du bien commun» (au départ, un concept issu de la théologie thomiste) ; la lutte contre la corruption, la dénonciation des «partis du système» et l'appel à une vaste réforme fiscale et administrative pour en finir avec le poids excessif des impôts et de l'Etat. Les sondages créditent le mouvement de 1,8% des suffrages.

SLOVAQUIE

Rarement le paysage de la droite antieuropéenne aura été aussi complexe que dans l'actuelle Slovaquie. Le parti au pouvoir, Smer, est à la fois supposément social-démocrate et populiste, avec une très nette inflexion anti-immigration puisque le Premier ministre Peter Pellegrini déclarait au moment de la (non) ratification du «pacte de Marrakech» : «Nous ne faisons pas de différence entre l'immigration légale et illégale. Pour nous, l'immigration économique est illégale, nocive et dangereuse pour la sécurité.»

Le pays, qui vient d'élire à la Présidence de la République une femme libérale et pro-européenne, Zuzana Caputova, place néanmoins Smer en tête des intentions de vote aux européennes (22,5%) et en seconde position la formation eurosceptique et libertarienne Liberté et Solidarité (Sloboda Solidarita) du député européen sortant Richard Sulik, dont le programme législatif proclamait : «Nous sommes l'un des rares partis à avoir clairement exclu la coopération postélectorale avec Smer-SD, car nous estimons que l'idéologie de gauche de la Slovaquie entrave la croissance du niveau de vie et que la corruption nuit gravement à la Slovaquie.»

Créditée de plus de 14%, sa liste dépasse celle des Citoyens ordinaires (OLaNO), dont la liste menée par Igor Matovic recueille des intentions de 13,9% des votes. Convaincue que l'Europe est le présent et l'avenir de la Slovaquie, OLaNO est une formation parfois qualifiée de populiste en raison de son programme anti-corruption et favorable à une «bonne gouvernance» par rapport aux pratiques des actuels partis de gouvernement, mais ce n'est pas une formation extrémiste ou radicale.

Le Parti national slovaque (SNS), qui participe au gouvernement et obtiendrait 8% des voix, a modéré ses positions. Mais dans les années 90, il se présentait comme l'héritier du mouvement éponyme arrivé au pouvoir en 1938 dans le nouvel Etat slovaque indépendant, sous la houlette de Mgr Jozef Tiso, promoteur d'une sorte de clérico-fascisme allié des nazis. Dirigé par Andrej Danko, affilié à Bruxelles au groupe EFDD, le SNS se définit aujourd'hui comme un parti «de centre droit conservateur», avec «un système de valeurs européen et chrétien» qui peut se résumer par «le développement des valeurs traditionnelles slovaques – patrie, famille, foi, fierté nationale, responsabilité, autosuffisance». Danko semble avoir rejeté les anciennes orientations ultra-nationalistes de son prédécesseur Jan Slota, un temps allié de Jean-Marie Le Pen : présent le 9 mai, au grand défilé militaire qui commémore, à Moscou, la victoire de 1945, il a remercié le président Poutine de ce que l'Armée rouge ait libéré son pays, ce qui n'empêche pas le SNS de décerner chaque année un «prix Martin Razus pour le développement de la conscience nationale», du nom d'un écrivain et député nationaliste du SNS d'avant-guerre.

Le nouveau cours modéré du SNS a déplacé les voix ultra-nationalistes vers le parti de l'ancien gouverneur de la région de Banska Bystrica, Marian Kotleba. Son Parti du peuple-Notre Slovaquie (LSNS) obtiendrait 13,8% des voix, alors qu'il est considéré comme largement d'inspiration fasciste et assume en tout cas l'héritage idéologique du régime Tiso, se déclarant basé sur les valeurs chrétiennes. Sur cette base, ainsi qu'un racisme anti-Roms (son programme évoque les Tsiganes comme étant des «extrémistes» et des «parasites») et anti-immigrants assumé (un de ses slogans est «la Slovaquie n'est pas l'Afrique»), il détient actuellement 14 sièges au Parlement national (8%). Anti-européen, le LSNS est aussi pro-russe et souhaite que le pays sorte de l'Otan. Il propose de légaliser les milices de citoyens et la possession libre d'armes à feu. Le succès du LSNS est aussi fondé sur sa proposition de faire rendre compte aux politiciens des «crimes commis depuis 1989» et d'instaurer un Etat social qui éradiquerait la corruption, reviendrait sur les privatisations, réduire le budget de l'Etat, employer les chômeurs aux tâches d'intérêt public actuellement dévolues au secteur privé.

SLOVÉNIE

Le Parti national slovène (SNS), dirigé par Zmago Jelincic, est la seule formation nationaliste et europhobe du pays. Il appartient à l'Alliance européenne des mouvements nationaux (AEMN). Fondé en 1991, il échappe toutefois à une classification facile par rapport à l'axe droite-gauche car sa politique économique est plutôt redistributrice et il s'affirme dans la filiation du mouvement antifasciste TIGR, opposé dans l'entre-deux-guerres au fascisme italien, y compris par la résistance armée. Il plaide pour la protection des minorités slovènes dans les pays voisins après avoir, dans les années 90, défendu l'idée d'un retour à la mère patrie de la Carinthie autrichienne et de l'Istrie italienne. Il est hostile à l'Union européenne et favorable à la sortie de l'Otan, dans une optique neutraliste. Il a conclu en 2016 un accord avec le parti nationaliste serbe SRS de Vojislav Seselj. Après avoir obtenu 10,2% des voix aux élections législatives de 1992, le SNS a entamé un long déclin et n'a recueilli, aux législatives de 2018, que 4,17% des voix, obtenant quatre députés. Pour les européennes, les sondages le donnent en dessous de 5% et sans représentation.

Jimmie Akesson, leader des Démocrates suédois, le 16 janvier à Stockholm. (Photo Jessica Gow. TT News Agency. AFP)

SUÈDE

Les Démocrates suédois (SD), qui ont obtenu leur score record de 17,58% aux législatives de 2018, présentent une liste menée par le député européen sortant Peter Lundgren, qui siège au sein du groupe ECR avec un autre de ses collègues. Sa liste est créditée de 13,7% des intentions de vote aux européennes, donc en seconde place derrière les sociaux-démocrates. Elle n'a guère comme concurrence marginale que l'Alternative pour le Suède (Alternativ för Sverige), de Gustav Kasselstrand, scission radicale des SD, favorable à la remigration comme au neutralisme (sortie de l'UE et de l'OTAN), qui a obtenu 0,31% aux législatives.

Dirigés depuis 2005 par Jimmie Akesson, les SD, toujours entourés d'un cordon sanitaire, ont suivi une trajectoire de respectabilisation depuis leur fondation en 1988 en tant que parti d'extrême droite qui coopéra un temps avec le FN et tolérait en son sein des éléments racialistes peu à peu expulsés et désormais regroupés au sein du Mouvement de la résistance nordique (NMR), un des rares groupes néonazis européens ayant une consistance militante et une activité réelle dans la rue, ce qui comprend un nombre record, en 2018, d'incidents à caractère raciste et antisémite. Les SD, au contraire, se veulent désormais national-conservateurs, favorables à une Europe des Nations et non plus à la sortie de l'UE, mais toujours fermement opposés à une société multiculturelle perçue comme criminogène et tendant à faire imploser la société. En conséquence, le parti souhaite favoriser l'inversion des flux migratoires par une aide aux départs volontaires et tente d'utiliser son poids électoral pour conduire les partis mainstream à réduire drastiquement l'immigration légale.

Les thèmes de «l’islamisation» et des «ghettos ethniques», la remise en question des droits spécifiques accordés au nord du pays à la minorité sami, sont d’autres constantes du programme, qui comprend en outre un appel pour que la Suède transfère son ambassade en Israël à Jérusalem, ce qui n’empêche pas les SD de devoir régulièrement rappeler à l’ordre des responsables ayant fait des déclarations considérées comme ayant des connotations antijuives, ainsi le député Bjorn Söder, accusé de considérer les juifs comme privilégiant leur identité religieuse par rapport à leur nationalité. Juif lui-même, l’ancien dirigeant des SD Kent Ekeroth a mis fin à sa carrière politique en 2018 et est allé s’installer à Budapest.

ROUMANIE

En Roumanie, le Parti social-démocrate, dont la liste est menée par Rovana Plumb, est à l'image de son chef, Liviu Dragnea, qui préside également la Chambre des députés : populiste, démagogique et nationaliste. Les subtilités du système d'alliances électorales roumaines ont fait s'allier, un temps, le PSD et le Parti conservateur aux européennes de 2014. Cet attelage improbable a mené à Bruxelles un député, Laurentiu Rebega, qui a fini par siéger non plus au PSE mais avec Marine Le Pen au groupe ENL (2015) avant de passer à ECR en 2018. Eurosceptique, partisan de la Grande Roumanie incluant l'actuelle Moldavie, attaché à la religion orthodoxe, Rebega ne se représente pas.

Le Parti Romania Mare (PRM), dont le leader d'alors, Corneliu Vadim Tudor, avait été proche de Jean-Marie Le Pen dans les années 90, a vu sa liste invalidée : la formation ultranationaliste, héritière d'une forme de «communisme national» propre à l'ère Ceausescu, avait alors une tonalité nettement d'extrême droite, particulièrement antisémite, et avait siégé à partir de 2007 avec le groupe Identité, Tradition, Souveraineté.

Dans une offre politique où l'anti-européisme est rare, les formations d'extrême droite sont mineures. On signalera le Parti Roumanie Unie (Partidul România Unită) de Robert Buga (2,95% aux législatives de 2016), nationaliste, opposé à l'UE et à l'immigration comme aux valeurs libérales sur les sujets sociétaux. Le Bloc de l'unité nationale (BUN) milite pour sa part pour la réincorporation de la République de Moldavie dans la Grande Roumanie, avec un agenda de droite, très anticommuniste. La formation la plus sérieuse, bien qu'elle n'ait guère de chance d'obtenir un siège, est l'Alternative de droite (Alternative Dreapta), qui rassemble des conservateurs, démocrates-chrétiens et libéraux (ou plutôt libertariens) sur une liste menée par Adela Dorina Mirza. Celle-ci définit son parti comme «attaché aux valeurs de droite, judéo-chrétiennes, au capitalisme, à la liberté individuelle».

BELGIQUE

Les Belges votent le 26 mai pour les européennes, les législatives et les régionales. Le paysage politique là-bas est totalement changeant, quand on passe de Flandre en Wallonie, à Bruxelles. Dans le premier cas, la Nouvelle Alliance flamande (NVA), parti nationaliste et républicain de droite qui préconise une Belgique au minimum confédérale, et si possible éclatant pour laisser naître une Flandre indépendante, est créditée de 17,55% des voix. Il ne laisserait au Vlaams Belang (VB), le partenaire nationaliste et indépendantiste du RN, qu'un siège avec 6% des voix. Du côté francophone, le Parti populaire (PP) dirigé par l'avocat Mischaël Modrikamen, que Steve Bannon a choisi comme tête de pont à Bruxelles de son soi-disant raid sur l'Europe, ne décolle pas des 1 %.

Aux élections législatives, la NVA capterait 28% des voix flamandes mais le Belang, à 15%, triplerait son score de 2014 et redeviendrait la troisième formation néerlandophone, derrière la NVA et les chrétiens-démocrates (18%). La liste européenne emmenée par Gerolf Annemans tirerait ainsi profit de la petite perte de forme d’une NVA entrée en 2014 au gouvernement fédéral dirigé par le libéral Charles Michel et qui n’a pris la décision d’en sortir qu’en décembre 2018, par refus de ratifier le pacte de Marrakech.

Au gouvernement, la NVA occupait le poste de vice-premier ministre chargé de l'Intérieur, des Finances, de la Défense, de la lutte contre la pauvreté et pour l'égalité des chances et de l'asile et des migrations. Le charismatique président de la NVA est Bart De Wever, actuellement maire d'Anvers. Alors que la NVA est un parti pro-européen de droite, économiquement libéral et très restrictif sur l'immigration, le Vlaams Belang est ouvertement séparatiste, souverainiste, hostile à l'islam et partisan d'un système de protection sociale garantissant «un filet de sécurité efficace à ceux qui, pour des raisons graves, ne peuvent contribuer au processus économique» ainsi qu'une retraite complète après quarante années de cotisations. En matière d'immigration, la doctrine du VB est formulée ainsi : «Nous appelons à un resserrement sérieux de la politique d'immigration. Les règles existantes en matière de regroupement familial doivent être renforcées. Les demandeurs d'asile rejetés, les immigrants clandestins et les criminels étrangers doivent être effectivement rapatriés dans leur pays d'origine. Les étrangers établis légalement en Flandre doivent s'adapter à notre manière de vivre ensemble et non l'inverse. Ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas cela devraient être encouragés à repartir».

Les deux partis s'accordent pour demander que le produit de la prospérité flamande cesse d'être transféré vers la Wallonie, considérée comme vivant à ses crochets. En Wallonie et à Bruxelles, le Parti populaire, dont la tête de liste est Yasmine Dehaene-Modrikamen, est un populisme économiquement très libéral et anti-impôts, dont la campagne est focalisée sur «la loi et l'ordre», la «lutte implacable contre l'islam radical» et la criminalité, voulant réduire l'immigration extra-européenne. Le PP est né de la volonté d'incarner, en 2009, une droite décomplexée allant au-delà des options du Mouvement réformateur (MR).