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récit

Avec Marion Maréchal, le retour de l’union des droites

L’ex-élue FN, qui a quitté la politique, a tout de même émis le souhait de voir émerger une structure rassemblant les droites. Marine Le Pen, elle, préfère attirer les LR ayant quitté le navire.
Marion Maréchal, en février 2017 à Lyon. (Photo Laurent Troude)
publié le 3 juin 2019 à 21h06

La question revient comme un refrain. L'union des droites, comprendre de la droite extrémisée avec l'extrême droite, est-elle possible ? Le débat, qu'on assurait tranché au profit d'une ligne «ni-ni» au sein du Rassemblement national, est relancé par la crise que traversent Les Républicains. Officiellement en retrait de la vie politique, Marion Maréchal est sortie du bois dimanche sur LCI : «Ce que je crois indispensable, c'est que demain puisse émerger, je l'espère, de cette débâcle des Républicains, ce courant de droite qui se structure, qui puisse demain accepter le principe d'une grande coalition avec le Rassemblement national, en gardant ses spécificités.» Quelques instants plus tard, Laurent Wauquiez annonçait sa démission et Marine Le Pen embrayait. «Nous tendons la main à tous les cadres et électeurs LR patriotes, attachés à la défense de notre identité, à la fin du matraquage fiscal et à la restauration de la grandeur française. L'alternative à Macron est possible !» a-t-elle tweeté alors que les propos de sa nièce tournaient en boucle.

Duel

Au sein du RN, on assure que les deux femmes sont sur la même ligne : puiser dans le réservoir électoral de LR. «Qu'est-ce que dit Marion Maréchal ? Qu'il faut attirer. C'est notre stratégie, on n'a pas de divergences, assure Philippe Olivier, beau-frère et proche conseiller de Marine Le Pen, fraîchement élu au Parlement européen de Strasbourg. Le temps s'est accéléré, les jours de LR sont comptés. On attaque par le sud, LREM par le nord. Les maires vont devoir choisir entre les deux étiquettes.» C'est là, justement, la différence fondamentale. Marine Le Pen n'envisage pas une seconde de créer une nouvelle structure d'alliance.

L'idée, comme avec l'ex-ministre UMP Thierry Mariani, volontiers mis en avant, est d'attirer les brebis égarées de la droite. «Pour l'instant, on les laisse digérer leur deuil. On laisse la droite bonapartiste se demander ce qu'elle fait avec des macronistes», explique Philippe Olivier. En avril, Marine Le Pen lançait plus clairement encore : «Je ne veux pas me laisser enfermer par l'union des droites» qui «ne veut strictement rien dire». L'inverse du propos de Marion Maréchal, quoi qu'en disent les cadres du RN. «J'estime que malheureusement - et je le regrette -, le Rassemblement national ne peut pas capter à lui seul l'ensemble des personnalités politiques, des élus ou même des électeurs», a déclaré l'ex-députée FN du Vaucluse.

Deux stratégies, qui correspondent à deux lectures du paysage politique. Pour Le Pen, le clivage gauche-droite est dépassé. Le duel opposerait désormais «mondialistes» et «souverainistes», les «progressistes» contre les «nationalistes» en langage macronien. «Marion, elle se sent de droite», concède Philippe Olivier. Sur LCI, elle a d'ailleurs pris soin d'épargner François-Xavier Bellamy, dont elle avait salué le choix comme tête de liste, s'inscrivant dans le même sillon conservateur : «Moi, je me qualifie de droite nationale, souverainiste, populaire, conservatrice pourquoi pas.»

Ton

Son intervention, a-t-elle insisté, ne présage en rien d'un retour sur la scène politique. L'ex-élue désormais directrice d'une école a toujours expliqué ne pas vouloir entrer en collision avec sa tante, qui tient de toute façon l'appareil. Cette irruption médiatique très politique, comme la création par deux de ses proches d'une association en vue de la présidentielle, ressemble bel et bien à une façon de préparer l'avenir. «Elle a compris que 2022 risquait d'être un remake de 2017, analyse le politologue Jean-Yves Camus. Marine Le Pen va faire un meilleur score mais elle sera toujours dans la posture du brillant second. A ce moment-là, le RN sera dans un cul-de-sac et elle sera en position d'intervenir.» Mais les partisans d'une «droite hors les murs» aimeraient la voir revenir dans le jeu plus tôt.

«Elle comprend ce que veut l'électeur de droite, contrairement à Marine Le Pen», affirme Bruno Larebière, journaliste à l'Incorrect, mensuel proche de Marion Maréchal. «Les électeurs LR n'iront pas en nombre suffisant au RN sur cette ligne politique. Il y a un plafond de verre qui ne sautera pas. La seule solution, c'est ce que propose Marion Maréchal, une coalition de droite en dehors des partis, il y a suffisamment de points de convergence.» Encore faut-il que les LR tendance conservatrice suivent. Camus explique : «Elle a un ton moins martial, moins rugueux que sa tante, ça fait partie des choses à prendre en compte quand on s'adresse aux cadres et aux électeurs de LR. Mais pour que ça marche, il faudrait qu'émergent des élus qui disent oui à un vrai parti de droite. Pour l'instant, personne n'incarne cette ligne, à part quelques transfuges, et les cadres sont fondamentaux pour attirer les électeurs.»