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Bioéthique

Manif anti-PMA pour toutes : le Rassemblement national avance en ordre dispersé

Si certains cadres du parti ont déjà répondu présents pour le rassemblement contre l'extension de la procréation médicalement assistée, le 6 octobre, d'autres, dont Marine Le Pen, préfèrent s'abstenir. Cette absence de consigne serait une stratégie pour éviter de froisser les pro-PMA, tout en ne laissant pas le champ libre à la droite.
Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement national, à Paris le 7 février. (Denis ALLARD/Photo Denis Allard pour Libération)
publié le 23 septembre 2019 à 9h32

Manifestera, manifestera pas… Sur la question de la PMA, le Rassemblement national est en ce moment à l'image de son électorat  : quelque peu tiraillé. Le parti d'extrême droite s'est certes exprimé d'une seule voix contre l'élargissement de la procréation médicalement assistée, qui doit être discuté à l'Assemblée à compter de mardi, «au nom du droit de l'enfant à avoir à la fois un père et une mère». Il prône par ailleurs un référendum sur la question. Mais ses cadres avancent, eux, en ordre dispersé concernant la manifestation du 6 octobre, organisée à l'appel de la Manif pour tous, contre cette mesure phare de la loi bioéthique. Le vice-président du RN, Jordan Bardella, avait prévenu que la formation mariniste laisserait «la liberté à ceux qui souhaitent s'y rendre de s'y rendre», indiquant que, lui, n'irait pas. Il considère en effet «que le débat doit avoir lieu à l'Assemblée nationale».

Moment médiatique

Mais son choix n'a pas été suivi par tous  : les eurodéputés Gilbert Collard et Nicolas Bay descendront dans la rue, le premier pour «défendre les droits de l'enfant contre l'égoïsme des lobbies», le second parce qu'il «pense qu'il faut mobiliser les Français contre un projet très dangereux» ; de même que – plus surprenant – l'élu des Pyrénées-Orientales, Louis Aliot. Au RN, on insiste sur le fait qu'il s'agit là de «démarches individuelles». Mais l'idée sous-jacente, en réalité, est tout à fait calculée. Il s'agit de ne surtout pas laisser la droite «hors les murs» occuper seule le créneau –  tout en ayant l'air de ne pas y toucher pour ne froisser personne. Mais l'ex-députée du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen et la députée de l'Hérault, Emmanuelle Ménard, qui sur ce sujet ont moins besoin d'avancer masquées, ne se sont pas fait prier pour annoncer leur présence.

«Toute la stratégie pour les cadres du RN va être d’éviter que ce jour-là, on ne voit que cette droite [conservatrice], qui a aussi prévu de se réunir [samedi] autour de Marion Maréchal-Le Pen [à la convention des droites, à Paris, ndlr] et qui va déjà bénéficier de ce moment médiatique. L’objectif est de ne pas leur laisser le champ totalement libre…», analyse Jean-Yves Camus, spécialiste des droites radicales. Ce n’est pas un hasard si Louis Aliot, par ailleurs candidat à la mairie de Perpignan, a déjà annoncé qu’en tout état de cause, il voterait contre le texte débattu fin septembre. Ce qui, encore une fois, n’est pas (tout à fait) le cas de tous au RN  : exemple avec le député du Nord, Sébastien Chenu, qui a dit qu’il «ne voter[ait] pas» le projet, sans préciser s’il s’abstiendrait ou non. Il ne manifestera pas non plus avec la Manif pour tous.

«Déconstruire le discours de Macron»

Interrogée sur la question, en marge de l'université d'été du RN, le week-end dernier à Fréjus, Marine Le Pen a dit qu'elle restera elle aussi à la maison, précisant que tout cela n'était, pour elle, «pas une considération morale, car je ne pense pas que deux femmes ne peuvent pas élever un enfant. Mais j'ai un problème juridique avec cela, pour moi il s'agit de la disparition de l'existence de la réalité biologique. Donc, en l'état, je suis opposée à la PMA telle qu'elle est proposée». La tonalité du discours, toute en compromission, pourrait étonner ; mais la présidente du Rassemblement national se sait dans une situation délicate. D'un côté, plus de deux tiers des Français se déclarent pour un élargissement de la PMA à toutes les femmes, de l'autre les chiffres fondent quand on regarde à droite de l'échiquier. Les sympathisants LR, qui étaient encore plus de 60 % il y a un an à soutenir l'ouverture de la PMA aux femmes seules, ne sont plus que 32 % aujourd'hui. Marine Le Pen doit donc trouver le discours opportun pour s'opposer au texte et flatter cet électorat qu'elle rêve d'aspirer, sans se trouver par ailleurs à rebours du reste de la société…

«Les municipales approchent, et elle ne peut pas se permettre d'être à contre-courant de 60 % de la population», pense encore Camus. Comme beaucoup dans son camp, elle agite donc l'épouvantail de la gestation pour autrui, sujet beaucoup moins clivant (78 % des électeurs de droite y sont opposés), estimant que «bien évidemment, l'élargissement de la PMA entraînera la question de la GPA, car celle-ci s'inscrit dans une démarche égalitariste». Pour le même Jean-Yves Camus : «La communication est la même que chez les anti-mariage pour tous. Le cœur de cible, ici, ce sont ceux qui ne sont pas défavorables à la PMA, pour les amener à devenir contre, en laissant sous entendre qu'après le mariage pour tous devait venir la PMA, viendra la GPA, dans une suite logique. Il s'agit d'une certaine façon de déconstruire le discours de Macron», en se donnant le bon rôle. A raison, puisque la chose a semble-t-il déjà fait basculer l'électorat droitiste…

Dans une optique similaire – purement communicative – le Rassemblement national a prévenu qu’il comptait déposer des amendements au texte lors de son examen en séance, fin septembre. En réalité, ses députés auraient très bien pu le faire avant, lors de son passage en commission spéciale. A l’image d’Emmanuelle Ménard, qui elle en a déposé 120…pour la plupart rejetés ou caduques.