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Analyse

Marion Maréchal-Le Pen, un retour à la droite de l’extrême droite

Censée faire l’union, la convention de l’ex-députée FN, samedi à Paris, n’a pas réussi à attirer de figures LR et a servi de tribune aux voix racistes et xénophobes.
A l’ouverture de la «convention de la droite» organisée par Marion Maréchal-Le Pen, samedi à Paris. (Photo Denis Allard pour Libération)
publié le 29 septembre 2019 à 20h31

Moins pour anticiper les critiques sur l'extrême faiblesse idéologique et militante de son offre que pour alimenter le storytelling sur son vrai faux retour sur la scène politique orchestré dans certains médias, Marion Maréchal-Le Pen avait prévenu qu'après la «convention de la droite» organisée samedi avec ses amis à Paris, elle «renouer[ait] avec le silence».

L'ex-députée du Vaucluse, jeune retraitée à qui certains imaginent un destin présidentiel, avait fait dire dans la presse que «la situation n'est pas mûre. Il n'y a aujourd'hui ni débouché ni intelligence politique à droite». L'événement auquel elle a participé ce week-end s'est résumé à une vulgaire tribune promotionnelle pour le pire de ce que propose l'extrême droite, avec notamment un Eric Zemmour éructant sa xénophobie sur scène : «Les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres ou bien se battre pour leur libération ?» «Cette prétendue convention a donné lieu à des discours que je trouve nauséabonds et profondément contraires à l'idée que nous nous faisons de la France et de la République», a dénoncé dimanche Edouard Philippe, «frappé par la violence et la tonalité des propos» prononcés samedi.

Piliers. Au plan stratégique, l'événement a aussi montré que pour l'heure, le projet politique de Marion Maréchal-Le Pen n'offre rien qui lui permette d'occuper le créneau entre Les Républicains et le Rassemblement national. Car la jeune femme se pose en alternative potentielle, entre l'effondrement du premier, qui représente pour elle «une opportunité» pour siphonner les voix de la droite tradi, et le second, qui à ses yeux n'est «pas suffisant» pour gagner tout seul en 2022. Oubliant qu'il lui faudra un jour «se frotter au réel», comme le lui a rappelé samedi le maire de Béziers, Robert Ménard.

Dans un discours devant un petit millier de personnes, Maréchal-Le Pen s'est revendiquée du «camp défenseur de la famille, de la nation, de l'autorité, pas de la table rase», elle a aussi dit vouloir «rompre avec la droite des experts-comptables», promis «des ambitions, non pas de droite, mais françaises», puis lancé un vibrant «agissons, et demain nous aurons le pouvoir».

Puis l'ancienne élue a développé les cinq piliers de son idéologie, et c'est là qu'elle a montré ses lacunes : il s'agit du «grand remplacement, du grand déclassement, du grand épuisement écologique, du grand basculement anthropologique et du grand affrontement des puissances étrangères». Le premier projet évoque le fameux «changement» de population par une autre, théorisé par Renaud Camus, surtout apprécié à la droite du RN ; le deuxième drague la France périphérique comme le premier venu des populistes ; celui sur l'écologie copie-colle le discours de Marine Le Pen et des identitaires sur le localisme. Quant au reste, elle ne fait qu'agiter l'épouvantail de la GPA comme pourrait le faire un François-Xavier Bellamy, l'ancienne tête de liste catho réac de LR aux européennes. Résumant tout cela, on constate que Marion Maréchal-Le Pen est à la fois le tout et le rien de la droite radicale. Cela a donc fait dire samedi à un des rares adhérents LR présents dans le public que si la femme de 29 ans pouvait bien incarner l'union des droites dont elle parle, elle le ferait «ni plus ni moins qu'un autre».

Le lendemain, sa tante Marine Le Pen, présidente du RN, s'est aussi moquée d'elle en disant qu'elle allait être «attentive» à voir si «des idées nouvelles, qui permettraient d'élargir l'électorat de ceux qui veulent défendre la France, allaient sortir de la convention des droites». Comprendre : sa nièce lui a prouvé la veille qu'elle en était bien incapable.

«Embryon». Un proche de Jean-Marie Le Pen, qui a assisté à l'événement de samedi pour pouvoir en rendre compte au fondateur du Front national, a également résumé la chose comme «manquant de profondeur, mais c'est un début». «Ça reste léger, mais Marion Maréchal-Le Pen construit un embryon de ce qui pourrait être un jour un projet politique». D'autres observateurs auront noté qu'il n'y avait «rien d'original dans ce qu'elle propose, mais elle a franchi une petite marche vers une éventuelle candidature. Il fallait qu'elle rassure ceux qui doutent de sa stratégie de l'absence». Jean-Marie Le Pen en fait partie : dans le tome II de ses Mémoires, le grand-père conseille à sa petite-fille de «revenir» vite en politique, professant sinon un échec. «Elle s'est extraite du milieu sans le quitter vraiment. Elle profite de son absence. Ne faisant rien, elle est très populaire. Mais qu'elle n'exagère pas. C'est un immense avantage de n'avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser. Un jour, il lui faudra revenir. Comment ? Avec qui ? La plupart des gens gâchent leur chance. Je ne lui souhaite pas», écrit-il. Samedi, certains se sont demandé si ça n'était pas déjà le cas.