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Libération
Reportage

Chez les sympathisants FN marseillais : «Marine 2022, je n’y crois pas»

A Marseille, l'un des fiefs du Front national, militants et sympathisants disent leurs doutes sur le changement de nom de la formation et son devenir sous la direction de Marine Le Pen, alors que le congrès du parti s'ouvre ce week-end à Lille.
Marine Le Pen, lors d'un meeting à Nice le 27 avril 2017. (Photo Yann Coatsaliou. AFP)
par Stéphanie Harounyan, à Marseille
publié le 9 mars 2018 à 17h59

Le visage de la patronne du Front trône en une du quotidien local. Noëlle, 70 ans, a déjà fini sa lecture, en même temps que son café matinal. La retraitée marseillaise jette un dernier regard compatissant à la photo de Marine Le Pen. «C'est bête, elle s'est manquée face à Macron, souffle-t-elle. Quand les gens se manquent comme ça, après, ça ne pardonne pas…» Joëlle fait partie de ces électeurs frontistes à qui le débat de la présidentielle a laissé un goût amer. «Je ne crois plus en elle. Je trouve que sa nièce est plus ouverte. D'ailleurs, elle est revenue, là, non ?» Le show américain de Marion Maréchal-Le Pen a fait écho jusque dans le petit bar de ce quartier marseillais. «Elle est mignonne, jeune, sourit Noëlle. C'est malheureux, mais ça joue en politique.» D'ailleurs, ce Laurent Wauquiez ne manque pas de charme, lui non plus, reconnaît-elle : «Je l'aime bien ! Des fois, on a un truc comme ça avec les gens, sans vraiment savoir pourquoi. Avec lui, c'est comme ça…» Peut-être que ses positions, si proches de celles du Front, y sont pour quelque chose ? «C'est ça qui est difficile, acquiesce la retraitée. C'est à peu près pareil… Il faudra bien lire les programmes à la prochaine élection.»

«Moi, je serai Marine jusqu’à ma mort !»

Si Noëlle hésite, Jean, son ex-mari, n'a pas l'intention de se laisser séduire par les sirènes LR. «J'ai toujours été FN et je le resterai ! Maintenant, je suis habitué», martèle le retraité de 77 ans, pour qui Marine Le Pen reste le seul maître possible à bord. «On la critique, mais arriver seconde à la présidentielle, c'est pas rien, note-t-il. Moi, je serai Marine jusqu'à ma mort !» Et tant pis si le parti, à la veille de son congrès, semble plus affaibli que jamais. Le départ de Florian Philippot ? «On se demande un peu ce qui s'est passé, peut-être qu'elle est un peu autoritaire ?» balaie le fidèle. Le changement de nom du parti, au programme du congrès ? «Ça pose quand même problème, concède-t-il. FN, ça marchait bien, quand même… La SFIO est devenue le PS et quand on voit où ils en sont…»

Pour d'autres anciens du parti, ce changement de nom n'a rien d'anecdotique. Dans le Var, Jean-Bernard Formé, un enseignant de 53 ans, croit même savoir que beaucoup le vivent comme une «trahison». «Ici, en Paca, c'est du FN pur et dur, explique-t-il. Il y a une partie de l'électorat qui votait FN quoi qu'il arrive. Là, ils ne se reconnaîtront plus dans ce parti qui n'a plus rien d'historique.» Cette perspective arrange bien le militant. Il est de ceux, «nombreux» affirme-t-il, qui ont rendu leur carte après le débat d'entre deux tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. «C'est vous dire le niveau de frustration qui était le mien, peste-t-il. Cet amateurisme… On est nombreux à avoir passé une très mauvaise nuit ce soir-là. On s'engage, on prend des coups… Se faire avoir à ce point, ça a été un électrochoc !» Quelques temps après son départ, c'est en applaudissant des deux mains qu'il a appris la défection de Florian Philippot, dont il a depuis rejoint les troupes. Aujourd'hui, il s'attend à être rejoint par de futurs déçus. «Les électeurs historiques, on leur a dit "vous êtes débarrassés de Philippot", mais en même temps, on va les doucher, grince-t-il. Il n'est plus là, mais il n'y aura plus le FN non plus !»

«Avec ce nouveau nom, on crée un nouveau parti»

C'est tout l'inverse que prédit Hubert, jeune Marseillais de 23 ans. «Ce changement de nom peut nous amener des gens qui partageaient nos idées mais bloquaient sur l'histoire du père et de la fille», assure l'étudiant en droit, qui se dit «soulagé» du départ de Florian Philippot. «Franchement, autour de moi, son départ a fait moins de mal que celui de Marion, confie-t-il. Dans le sud, son retrait de la politique a démobilisé beaucoup de monde. Ce n'est pas pour rien que l'on n'a eu aucun député… Son côté conservateur, ça parlait aux gens d'ici.» Mais pour Hubert, pas question d'attendre le retour hypothétique de l'enfant prodigue pour que le parti rebondisse. «C'est trop tôt, et puis elle ne reviendra peut-être jamais…» souligne le jeune homme, faute de plan B, se contente de Marine Le Pen à la tête du FN : «Oui, elle peut encore incarner le parti aujourd'hui, mais pas plus. Marine 2022, je n'y crois pas.» Lui compte sur le congrès pour remobiliser les troupes autour d'un projet réaffirmé. «Avec ce nouveau nom, on crée un nouveau parti, quand même, insiste-t-il. Il va falloir mettre le paquet, sur la forme comme sur le fond. Le changement de nom ne sert à rien s'il n'y a pas quelque chose derrière. J'attends plus de précision. Et de professionnalisme.»