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Récit

Municipales: Mariani veut recycler le label «droite populaire» pour le RN

A l'approche des municipales, le Rassemblement national rêve d'un ancrage local digne du «premier parti d'opposition» et envoie ses transfuges de LR racoler à droite.
Paris, 9 janvier 2019. Thierry Mariani lors de l'annonce de son départ de LR pour figurer sur la liste RN aux européennes. (Photo Denis Allard pour Libération)
par Julie Vayssière
publié le 14 juin 2019 à 15h17

Les transfuges qui deviennent des émissaires. Les anciens de la droite, passés lepénistes avant les européennes, sont désormais déterminés à servir le Rassemblement national (RN) pour les prochaines municipales. En draguant leurs (anciens) «amis» Les républicains (LR) pour tenter de les pousser à des «rapprochements» en vue des élections de 2020. «Le RN ne peut y arriver seul», estime l'ancien ministre de Sarkozy, Thierry Mariani, désormais député européen du parti de Marine Le Pen. Avec l'ex-député UMP de Gironde, Jean-Paul Garraud, qui lui aussi a fait allégeance au RN avant les européennes, il a signé mardi sur Facebook, avec d'autres anciens de la droite, comme Sébastien Chenu et Franck Allisio, une lettre commune dans laquelle les ralliés demandent à ceux qui se «revendiquent de droite […] d'oser transgresser les ordres de leurs dirigeants pris en otage par le système». Ce qui reviendrait à faire comme eux et rejoindre la formation mariniste.

Traduction par Mariani: il faut «redéfinir une ligne claire pour les électeurs LR». Réuni en conseil national ce week-end à La Rochelle, le RN rêve après sa victoire aux européennes de s'offrir (enfin) un enracinement local digne du «premier parti d'opposition» (le label qu'il s'auto-décerne). Le parti de Marine Le Pen est donc à la recherche de la bonne stratégie pour, a minima, renforcer ses appuis, et préparer d'éventuelles alliances de second tour. «Pourquoi s'interdire de fusionner certaines listes ?», envisage déjà Jean-Paul Garraud. Conscients de la barrière psychologique et politique pour les élus de droite, encore rebutés par l'étiquette RN, Mariani a eu l'idée de recycler son label de la «Droite Populaire», marque qu'il a déposée à l'INPI, et collectif qu'il a fondé en 2010 avec d'autres de la branche «dure» de l'UMP, période Sarkozy.

Militants et cadres, cœurs de cible

La relance est prévue pour septembre, avec comme objectif de parasiter la convention nationale de LR, prévue à l'automne. Mariani et Garraud seront aux commandes avec Nicolas Dhuicq, ex-UMP ayant rejoint Nicolas Dupont-Aignan avant de soutenir le RN aux européennes. L'idée consiste à proposer à des «gens qui partagent des valeurs» de se porter candidats sous ce nouveau vernis, moins marqué, plus discret. En espérant rassurer ceux qui n'oseraient pas franchir le Rubicon. «Ce n'est pas du racolage», assure Jean-Paul Garraud mais «si ça peut aider…» Le principe, «c'est d'accueillir tous ceux qui se retrouvent dans nos valeurs et ne veulent pas s'engager dans un nouveau parti», explique Mariani. Qui admet viser plutôt les militants et les cadres de LR que les «gros élus». Comprendre: les députés proches de «la droite populaire» comme Lionnel Luca ou Jacques Myard n'ont pas prévu de soutenir l'initiative.

La démarche permettrait aussi aux élus déçus de LR ne cédant pas aux sirènes de la Macronie, de venir grossir les rangs du camp des «patriotes». Dont celui du RN, espère Mariani, qui reprend le discours mariniste sur le clivage «gauche-droite dépassé» et remplacé par l'affrontement «mondialistes-souverainistes». Pour draguer les LR en déshérence, on pince donc la corde «bonapartiste», qui vibrerait désormais au RN. C'est écrit noir sur blanc dans la lettre des «ralliés» de mardi. «Naguère, idéalistes, nous rejoignions une droite unie autour des plus grandes figures de notre riche histoire: Napoléon Bonaparte, Charles de Gaulle et d'autres. Ces idées sont aujourd'hui pleinement incarnées par le Rassemblement national», peut-on y lire.

Toute ressemblance avec (feu) le Rassemblement bleu marine (RBM), ce faux-nez frontiste imaginé en 2012 pour attirer de nouveaux électeurs avec un emballage plus avenant, dissous en 2016, n'est évidemment pas fortuite. Même si Gilbert Collard, ancien représentant du RBM, ne voit pas le rapport. «Je ne vais pas m'exprimer alors que je ne suis pas au courant, mais il est évident qu'il faut appeler à l'union des droites», explique l'ancien avocat, récemment élu au Parlement européen. Il dit aussi que «toutes les droites sont populaires sinon on les rend populaires». Jean-Paul Garraud a une autre formule toute faite: «la différence fondamentale entre la Droite Populaire et le Rassemblement bleu Marine, c'est qu'à l'époque, le RN était le FN. Mais maintenant, il est parfaitement fréquentable». Preuve en est que lui le soutient, et que «ce n'est pas pour rien que cela s'appelle "Rassemblement"».