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Municipales

Zoom sur cinq villes prises en 2014 et une cible

L’extrême droite souhaite mettre de côté son obsession pour le fauteuil présidentiel pour consolider son implantation locale. De Béziers à Hayange, en passant par Perpignan.
Marine Le Pen et David Rachline, maire de Fréjus, à Châteaudouble (Var) en septembre 2018. (BORIS HORVAT/Photo Boris Horvat. AFP)
publié le 22 août 2019 à 21h06

En 2014, ils étaient la vitrine du «frontisme municipal» dont Marine Le Pen voulait faire sa rampe de lancement pour la présidentielle. Alors que les municipales se tiendront en mars, Libération fait le point sur la situation politique à Fréjus, Hayange, Hénin-Beaumont, Cogolin et Béziers. Et aussi à Perpignan, de nouveau une cible.

Fréjus, le bon soldat Rachline

Si le RN a choisi Fréjus pour son université de rentrée pré-municipales, mi-septembre, ce n'est pas par hasard. Avec ses 53 000 habitants, la commune du Var est d'abord la plus grande ville tenue par le parti, lequel ne manque pas d'ambitions aux alentours. Mais son maire, David Rachline, est aussi l'un des plus importants cadres du parti : il fut par ailleurs sénateur (à 26 ans), et directeur de campagne de Marine Le Pen en 2017. Membre du bureau exécutif du RN, son instance dirigeante, Rachline est depuis un an le président du Conseil des élus locaux. Autrement dit : les résultats du RN aux prochaines municipales tiendront un peu de lui… Alors Rachline tente beaucoup : jusqu'aux alliances contre-nature à Fréjus. «Nous discutons avec tout le monde, et même s'il y a des gens de la gauche républicaine qui veulent travailler avec nous ils sont les bienvenus», a-t-il récemment appelé. En 2014, c'est via une triangulaire qu'il l'avait emporté.

Le cas Hayange

Gagnée en 2014 par l’ancien cégétiste devenu frontiste Fabien Engelmann, à l’issue d’une quadrangulaire, la seule commune RN du Grand-Est n’a fait parler d’elle ces dernières années qu’à travers la gestion grand-guignolesque de son jeune maire. Parmi les initiatives d’Engelmann, dont l’élection avait été une surprise pour la direction du FN, figurent l’instauration d’une «fête du cochon», la fabrication d’un bureau capitonné anti-espionnage pour lui-même, ainsi que des tentatives répétées pour expulser le Secours populaire d’un local de la ville. Pour le reste, Engelmann communique beaucoup sur les réseaux sociaux : au sujet, par exemple, des bals municipaux qu’il affectionne particulièrement. Il brosse ses électeurs dans le sens du poil.

Pour 2020, l’opposition de gauche a prévu une liste «citoyenne» ouverte. Tout en assurant, prudente, que celle-ci se désisterait en cas de second tour non favorable. Problème : LREM sera aussi de la partie, ce qui énerve ce militant LFI qui combat depuis des années la mairie frontiste. «Ils viennent faire de la com et nous volent nos éléments de langage !»

La vitrine Hénin-Beaumont

A Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), qui se trouve sur la terre d'élection de Marine Le Pen, le président du groupe RN au conseil municipal, Bruno Bilde, n'arrête pas de pétarader : si le maire Steeve Briois «ne fait pas 60 % au premier tour [en 2020], ça sera une contre-performance !» Premier vice-président du parti mariniste, natif de la commune, Briois avait fini par être élu en 2014 après vingt ans de militantisme, dans cette terre minière historiquement de gauche mais ravagée par le clientélisme et les détournements de fonds publics. Il ne semble pas près de perdre son fauteuil. Alors, l'extrême droite a fait du lieu sa vitrine. Et y a imprimé sa «patte», tentant systématiquement de museler l'opposition et de mettre en cause la presse locale, à coups d'attaques personnelles et judiciaires.

Menée par l'EE-LV Marine Tondelier, en première ligne depuis des années, l'opposition présentera en 2020 une liste «écologie, humaniste et solidarité», qui, au vu des projections, a pour l'instant peu de chance de l'emporter. «Mais on est aussi là pour préparer l'après. Avec ce qu'on a encaissé pendant ce mandat, on a la carapace épaisse pour vingt ans»,prévient-elle.

Cogolin, d’une Le Pen à l’autre

Alors candidat FN, Marc-Etienne Lansade a été élu à Cogolin (Var) en 2014 «de façon tout à fait inattendue», selon ses propres mots. Par la suite, son mandat ne s'est pas passé tout à fait comme il l'espérait… L'entrepreneur parisien, qui a rejoint le parti en 2007 pour y jouer les agents immobiliers, a perdu pas moins de huit conseillers municipaux, la plupart pour des désaccords profonds. «Comme j'étais parachuté, je ne maîtrisais pas tous les éléments de ma liste et j'ai dû m'en séparer plus tard», raconte-t-il aujourd'hui. En sursis, l'édile avait annoncé tourner le dos au FN quelques mois après, parce que sa «fibre libérale» ne s'y «retrouvait plus». C'était surtout pour éloigner la presse de ses affaires.

Lansade, qui se dit dans les petits papiers de Marion Maréchal, pourrait retenter sa chance en 2020 «si les conditions sont réunies». Il prendrait alors l'étiquette «droite populaire», label de l'ex-LR Thierry Mariani passé au RN recyclé en vue des municipales pour les candidats n'assumant pas (ou plus) de courir pour les Le Pen. Le bilan de Lansade à Cogolin ? «Le prix de l'immobilier est passé de 3 200 euros le mètre carré à 4 800», se satisfait monsieur le maire.

A Béziers, Ménard en autonomie

Élu en 2014 avec le soutien du FN, le maire de Béziers (Hérault), Robert Ménard, compte rempiler cette fois sans l'aide d'«aucun parti». «Je n'ai de compte à rendre qu'aux Biterrois», dit-il. Et dans son entourage, on évoque un «froid» avec Marine Le Pen. Le «maire populiste» (dixit lui) compte tirer profit en 2020 de l'image plus lisse de sa compagne, la députée Emmanuelle Ménard, pour tenter une «union des droites» locale.

Fin septembre, le couple participera d'ailleurs à un raout organisé par des proches de Marion Maréchal, qui veulent «construire les bases théoriques» de ce rapprochement rêvé entre l'extrême droite et l'extrême de la droite. Problème, selon Ménard, la personne idéale pour incarner la chose n'a pas encore été désignée.

Toujours d'après le maire de Béziers, lui aurait réussi, avec son couple, à opérer dans sa ville ce rapprochement : Robert Ménard avec son côté «voyou» qui plaît aux uns, Emmanuelle Ménard avec son image catho, qui plaît aux autres, «bosseuse, bien élevée, moins clivante».

La cible Perpignan

Marine Le Pen l'a martelé mi-juin lors du lancement de la campagne du RN pour les municipales 2020, peut-être pour s'en autopersuader : «Perpignan est notre plus belle chance de victoire.» Là-bas, le parti d'extrême droite est arrivé en tête aux dernières européennes. Il a de nouveau investi Louis Aliot, compagnon à la ville de la présidente du RN, comme cela était acquis depuis des mois. L'homme, conseiller municipal à Perpignan, député de la 2e circonscription des Pyrénées-Orientales, se présentera toutefois sans l'étiquette frontiste. Pour l'instant, les sondages le donnent entre 27 % et 29 %, en baisse comparé à 2014 où il était arrivé en tête au premier tour à 34 %. Mais Aliot tente de profiter de l'effondrement de la droite locale pour multiplier les appels du pied en vue d'éventuelles alliances, sans lesquelles il a peu de chances d'être élu. «Ils vont tous s'y mettre avec leur front républicain», résume une élue RN. Dans le cas contraire, Perpignan, avec 120 000 habitants, pourrait bien devenir la plus grosse ville française aux mains de l'extrême droite.