«Cette fois, nous sommes prêts», assure un cadre du Rassemblement national. A l'entendre, contrairement à 2014, le parti d'extrême droite arriverait aux élections municipales de mars avec une armée de «pros», «des têtes de liste avec des stratégies adaptées et conquérantes, et surtout des personnes qu'on va accompagner tout du long». Il y a six ans, le Front national (devenu depuis le Rassemblement national) avait multiplié les listes partout en France quitte, parfois, à investir n'importe qui. Bilan : dix communes remportées. Cette fois, au lieu de réserver les fiefs gagnables aux proches de Marine Le Pen, le parti va appliquer des schémas identiques dans tout le pays, selon qu'il anticipe une victoire à court ou à long terme, sûr qu'il finira de toute façon par s'implanter autour des villes déjà conquises, par un effet d'«inondation».
Grosses prises pour les «stars» ?
Depuis le lancement de sa campagne, en juin, le Rassemblement national ne cesse de répéter que «Perpignan est [sa] plus belle chance de victoire». La ville de 120 000 habitants a voté pour le RN à 40 % en 2017, et l'a placé en tête aux européennes de mai, loin devant la liste macroniste, écrasant surtout la droite LR décrite là-bas comme «mourante». Le candidat investi, Louis Aliot, qui avait terminé en tête du premier tour en 2014 pour finir à 44 % au second, a mis toutes les chances de son côté : il s'affiche sans étiquette, joue la carte de l'ouverture et se montre avec des figures de l'extrême droite nationale et locale. Un jour en meeting avec Eric Zemmour, un autre avec le maire de Béziers, Robert Ménard, venu inaugurer son local de campagne. L'ancien vice-président du parti, toujours membre du bureau exécutif, a aussi pris soin de faire filtrer dans la presse sa rupture avec Marine Le Pen, des fois que l'image de la cheffe de l'extrême droite soit un frein à sa réussite, rapport au souvenir de son débat de la présidentielle face au candidat Macron. La partie sera rude quand même pour Aliot parce qu'en face, «ils vont tous s'y mettre avec leur front républicain», anticipe une élue RN. Un autre est plus confiant : «Il est bon, quand même, c'est une star.» Selon un sondage Ifop paru jeudi, Aliot est en tête des intentions de vote au premier tour et il est donné gagnant d'une hypothétique quadrangulaire au second.
Villes moyennes pour «cadres travailleurs»
Sans avancer d'objectifs chiffrés, le RN mise aussi sur la multiplication des victoires dans les communes de 3 000 à 20 000 habitants où, «cette fois, il y aura plus de candidats sérieux dans les petites et moyennes villes. Avec la liberté donnée à ceux qui voudraient y aller de faire une vraie campagne pour gagner», explique un proche de Marine Le Pen. La stratégie est toujours la même : on cible une commune où le RN réalise des gros scores lors des autres scrutins, où le maire sortant est en fin de course, et où le candidat RN est déjà implanté. Dimanche, lors de la «convention municipale», ces profils ont été présentés comme des «dynamiques locales». C'est le cas, par exemple, de Laurent Jacobelli, ancien de Debout la France devenu porte-parole du RN, qui se présente à Allauch, ville des Bouches-du-Rhône de 21 000 habitants ayant mis l'extrême droite en tête aux européennes. Le maire PS sortant, Roland Povinelli, y est une figure locale à l'ancienne, élu depuis 1975, habitué des saillies verbales, des coups de pression à ses adversaires et des menaces de mort envers les journalistes. Un boulevard ? Configuration différente à Saint-Savin, dans le bassin girondin : le Rassemblement national a investi Edwige Diaz. La figure locale à la pointe sur «l'union des droites» avait monté une association avec des gens au «même mode de pensée», parfois encartés chez Les Républicains mais intéressés par un rapprochement avec l'extrême droite. Elle se présente avec, sur sa liste, l'ancien adversaire UMP du maire sortant, Alain Renard, élu depuis 1995. Il est issu du PS, dans une commune située dans la circonscription où Diaz a fait 44% aux dernières législatives et où, dit-on, «l'ère PS vit ses derniers instants, et la mode Macron est en pleine extinction». Aux européennes, la liste LREM a fait 16% et LR seulement 4%.
Villes «vitrines» pour «jeunes prometteurs»
Parachuté par le RN à Calais à la place d'un candidat local, Marc-Alexandre de Fleurian, saint-cyrien de 30 ans, a raconté que le parti le voyait comme «un poulain à qui il fallait trouver un siège, qui va grossir et qui va devenir un poids lourd». «Les mecs, ils ne se projettent pas forcément que sur 2020. Ils se disent : s'il ne gagne pas cette fois, ça sera en 2026», ajoute Fleurian. Pour les municipales, la formation de Marine Le Pen a fait le choix d'investir des candidats propres sur eux dans les grandes villes où elle avait peu de chances de victoires mais où elle pourrait bénéficier d'une forte exposition. «On met des mecs où on pense que, s'ils ne peuvent pas gagner, au moins ils peuvent rester, explique un cadre Rassemblement national. On a insisté sur le casting, des types prometteurs avec un raisonnement, pour lesquels on n'a pas peur qu'ils dérapent ou disent une bêtise.» C'est le cas d'Emeric Salmon à Rennes, d'Aymeric Merlaud à Maubeuge ou encore d'Agnès Marion à Lyon.