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Bilan

Municipales : pour le RN, une prime au maire sortant à double tranchant

Sur fond d'abstention record, la formation de Marine Le Pen a profité comme les autres partis de la «prime» aux sortants. Mais à part Perpignan, elle n'apparaît pas en mesure d'agrandir sa toile.
Louis Aliot à Perpignan, le 10 janvier. (David RICHARD/Photo David Richard. Transit pour Libération)
publié le 16 mars 2020 à 9h59

Commentaire d'un candidat Rassemblement national perdant, devant les résultats de sa formation au premier tour : «pas folichon». Malgré des objectifs peu ambitieux pour ces municipales 2020, le mouvement de Marine Le Pen n'a pas réussi dimanche à faire mieux qu'annoncé : garder ses villes et en «gagner un certain nombre», sans plus de précisions. Si la plupart de ses maires sortants se sont fait réélire d'entrée de jeu, parfois avec des scores staliniens, le parti d'extrême droite est aussi en position de perdre des municipalités : Le Luc (Var) et Mantes-la-Ville (Yvelines). L'ex-FN pourrait, surtout, n'en gagner aucune autre en échange. Lui qui rêvait de «rayonner» autour des villes remportées en 2014… Il a perdu presque partout dans les endroits jugés «gagnables» qu'il avait mis en avant. Parfois de façon assez brutale. Bien sûr, l'objectif officiel était, en premier lieu, de «gagner le plus de conseillers municipaux». Pour «avoir la meilleure opposition possible. Car les victoires d'après-demain, sont les oppositions de demain», avait martelé Marine Le Pen. «Déjà, le fait que nos maires soient réélus sera un immense succès», avait-elle plus ou moins prédit encore fin février, lors d'un déplacement à Nice. Et quand on lui avait demandé à partir de combien de nouvelles municipalités gagnées, en plus de celles gérées actuellement, la campagne du RN aurait été un succès, elle avait simplement répondu : «une de plus». Sur les plateaux de télévision dimanche soir, l'eurodéputé Nicolas Bay soulignait que l'abstention historique, entre 53,5% et 56% selon les estimations, «posait la question de la légitimité démocratique du résultat» des municipales. De son côté, la patronne du RN a estimé que «le second tour n'aura(it) manifestement pas lieu, compte tenu de l'aggravation prévisible de l'épidémie» de coronavirus.

Une ville «de plus» dans son escarcelle, le RN rêve qu'elle s'appelle Perpignan, ciblée depuis le lancement de sa campagne municipale en juin comme sa «plus grande chance de victoire». Dimanche, Louis Aliot y est arrivé en tête avec plus de 35% des voix. Soit peu ou prou son score de premier tour en 2014 : 34,19%. Il avait alors échoué au second contre le LR Jean-Marc Pujol élu grâce au désistement du candidat PS. Cette fois, la donne est différente car Pujol est distancé de 15 points par le candidat RN et se retrouve en ballottage avec deux autres listes, les Verts à 14% et une liste «divers centres» LREM à 13%…

Le Rassemblement national craint qu'à Perpignan, comme ailleurs, le second tour profite au maire sortant. Car ces municipales 2020 ont, en général, surtout bénéficié aux équipes en place depuis six ans. La règle a bénéficié à tous les partis, RN compris. A Hénin-Beaumont, Steeve Briois a été sacré avec 73% ; à Hayange, Fabien Engelmann a été réélu à 63,14% ; à Beaucaire, Julien Sanchez a fait 59,50%; à Villers-Cotterêts, l'ancien militaire Franck Briffaut a été réélu à 53,47% des voix. Béziers, le maire soutenu par le RN, Robert Ménard a fait 68% ; à Fréjus, David Rachline a fait 50,6%… Deux bémols : à Mantes-la-Ville où Cyril Nauth arrive certes en tête avec 33%, le ballottage avec la gauche pourrait lui être défavorable ; et au Luc, le RN n'est qu'en deuxième position à 37% derrière un LR à 43%.

Le discours du Rassemblement national est d'autant plus paradoxal qu'il avait fait campagne en pariant sur les bilans en place, et en pondant un slogan «la gestion RN ça marche». Mais la prime aux sortants a aussi freiné la formation mariniste. Les mairies visées par le RN ont résisté : le RN a échoué à emporter de nouvelles communes. Exemple à Denain, commune du Nord où il a présenté le député porte-parole du RN, Sébastien Chenu : l'homme s'est fait balayer dans l'un des lieux les plus pauvres de France, où il a fait 57% aux législatives et où il se voyait déjà maire.

Dans d'autres endroits, le mouvement avait parachuté des trentenaires ambitieux en costume cravate, pour se montrer présentable. Objectif, s'ils ne passaient pas cette fois : les faire s'installer pour les futures élections, départementales, régionales, législatives… Eux n'ont pas donné grand-chose non plus. A Maubeuge, le candidat Aymeric Merlaud, débarqué de Sciences-Po à 28 ans, élu à Nantes, né à Cholet, n'a fait que 13% quand le maire sortant est à 41% malgré un bilan médiocre. A Calais, Marc-Alexandre de Fleurian, militaire issu de Saint-Cyr désormais dans le civil, qui se voyait comme un «futur Bardella bis», a fait 17% avec sa liste où figuraient Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen, et Marine-Caroline Le Pen, sœur de. La maire sortante Natacha Bouchart a été réélue à 50,24% des voix. Encore : le RN échoue à Lens, principale ville de l'ex-bassin minier et à Carvin.

C'est simple : de tous les «néo»-candidats (formés) que le Rassemblement national a présentés au public en janvier lors de sa «Convention nationale municipale», aucun n'est arrivé en tête, beaucoup ont été éliminés au premier tour ou sont en passe de perdre au second : Laurent Jacobelli (Allauch, 16%), Françoise Grolet (Metz, 11%), Emeric Salmon (Rennes, 4%), Aymeric Durox (Nangis, 27%), Marie Dauchy (Saint-Jean-de-Maurienne, 14%), Serge Federbusch (Paris, la «victime du système» a fait 1%). Marine Le Pen avait surtout mis en avant les candidats venus d'ailleurs pour valider le mot «rassemblement» dans «Rassemblement national», les atypiques Andréa Kotarac, venu de LFI, à la métropole de Lyon et l'ancien responsable LR Sébastien Pacull, à Sète. Le premier n'a aucune chance de l'emporter, l'autre est à 14% en quatrième position. Au niveau local, l'étiquette RN ne paye que quand on est déjà au pouvoir. Tout le problème est d'y arriver.