Après un premier tour médiocre malgré la réélection de plusieurs de ses maires sortants (Hénin-Beaumont, Fréjus, Béziers…), le RN espère rebondir au second, avec pour principal objectif la ville de Perpignan, où le député Louis Aliot est arrivé en tête mi-mars, avec 35% des suffrages. En cas de victoire, il s'agirait de la plus grande ville (122 000 habitants) détenue par le Rassemblement national. Quinze ans après la victoire du FN à Toulon.
«Si Aliot gagne, cela cachera le reste», affirme une source interne, qui pense que «c'est jouable». Mais en face, les listes qualifiées sans être en position de l'emporter se sont désistées : l'écolo Agnès Langevine, arrivée troisième, le LREM Romain Grau, Caroline Forgues (gauche)… tous ont appelé à faire barrage au candidat de Marine Le Pen. Cela offre au passage, comme en 2014, une belle opportunité à Jean-Marc Pujol, maire LR de 71 ans, malgré un très faible score de premier tour pour un sortant (18,5%). Avec 35,66% des voix (9 273 votes), Aliot n'a pas vraiment fait mieux qu'en 2014 (34,19% et 12 949 électeurs), scrutin où il avait obtenu 44% au second tour. Devant un manque sérieux de réserve de voix, lui veut croire que «le vote contre le bilan de Jean-Marc Pujol sera supérieur au vote anti-Aliot», comme il l'a dit à l'Indépendant.
Certaines annonces pourront tourner à l'avantage du candidat RN : peu après le désistement de Romain Grau, deux de ses colistiers ont fait savoir qu'ils voteront Louis Aliot au second tour, suivis plus tard par une troisième. La première, Josiane Cabanas, l'a fait «pour dire non au front républicain, et oui à Louis Aliot», a-t-elle écrit sur Facebook. Le deuxième, Alain Cavalière, pour «renouveler le personnel politique dans cette ville». Et la troisième, Christine Gonzales, pour «aller au bout de ses idées». «Une chose est sûre, explique au Point l'historien Nicolas Lebourg, spécialiste de Perpignan, l'électorat d'En marche ! est la-bas beaucoup plus à droite qu'au niveau national. Alors, Aliot peut lui aussi y trouver une réserve.» Verdict le 28 juin.
Echec
Conscient de son incapacité récurrente à briller dans les scrutins locaux, le Rassemblement national n'avait pour 2020 que deux ambitions : garder la dizaine des villes remportées six ans plus tôt et augmenter son nombre de conseillers municipaux. Dans les deux cas, cela a été un échec. S'il a vu huit de ses édiles l'emporter au premier tour, il doit une partie de ce résultat à la prime aux maires sortants du début de la crise sanitaire. Une réalité qui a contribué à doucher ses espoirs presque partout ailleurs. «La conquête en termes de villes gagnées n'a peut-être pas été celle que nous attendions. En revanche nous entrons dans beaucoup de conseils municipaux où nous étions absents», a tenté de positiver le porte-parole du RN, Sébastien Chenu, lui-même balayé à Denain (Nord). En réalité, les perspectives pour sa formation sont en nette baisse par rapport à 2014 : les scores des candidats ont été si faibles que le mouvement va perdre des conseillers municipaux quasiment dans chaque mairie où il en avait. Au Luc-en-Provence, le maire RN sortant n'est arrivé qu'en seconde position en mars, à 38% derrière le candidat LR (43%).
Reste à savoir si le parti d'extrême droite remportera de nouvelles municipalités. Et c'est loin d'être gagné alors que le «front républicain» n'a pas disparu même si le mot ne fait plus recette. A Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais), le député Ludovic Pajot est arrivé premier à 38,6%, devant l'ex-PS Bernard Cailliau (34,5%). Mais le maire sortant Olivier Switaj, arrivé troisième, s'est désisté pour faire «barrage à l'extrême droite». A Givors, la maire communiste sortante Christian Charnay, à la tête d'une liste PCF-PS-LFI, a demandé aux autres candidats, sans leur proposer de fusionner leurs listes, de prendre position publiquement contre le candidat RN Antoine Mellies, une soixantaine de voix de retard, qui a raillé «la réaction d'une élue aux abois» et sa «politique castor».
«Aucun risque»
A Moissac, troisième commune du Tarn-et-Garonne, où le maire sortant ne se représentait pas, le candidat du Rassemblement national Romain Lopez a manqué à 123 voix d'être élu dès le premier tour. Le 28 juin, il sera opposé à Estelle Hemmami, candidate de la gauche (23%), qui profite du retrait in extremis de l'ancienne adjointe divers droite Maryse Baulu (13%), qui était en position d'imposer une triangulaire. Mais ici aussi, point de «front républicain», comme l'avait proposé sans succès le candidat LREM Gérard Vallès arrivé 4e (sous les 10%) au lendemain du premier tour. Même Hemmami considère qu'une fusion n'aurait pas eu de sens.
A Mantes-la-Ville, seule municipalité d'Ile-de-France aux mains du RN, le sortant Cyril Nauth est arrivé premier avec 34% des voix, mais les autres candidats, qui avaient tous prévenu que s'ils n'étaient pas deuxième du premier tour ils ne prendraient «aucun risque» de faire repasser l'extrême droite dans leur ville, ont tenu leur promesse. Amitis Messdaghi, la candidate de gauche arrivée troisième, a décidé de se retirer : «Ma responsabilité c'est de faire barrage au Rassemblement national.» Un autre candidat divers gauche, Romain Carbone, arrivé quatrième (14,82%), avait annoncé son retrait plus tôt. A Mantes-la-ville, Nauth l'avait remporté par surprise en 2014, dans une quadrangulaire où, justement, la gauche ne s'était pas entendue.