Elle avait un beau regard de velours, un nez un peu fort, une bouche
charnue et la taille bien prise. Les portraits de Ninon de Lenclos, courtisane et galante à qui ses contemporains ont attribué cinq mille amants, ne suffisent à expliquer son extraordinaire talent de séduction. A 32 ans, lorsqu'elle tombe follement amoureuse de Louis de Mornay, marquis de Villarceaux, elle est depuis longtemps une femme entretenue, maîtresse de Richelieu, de Condé, de Choiseul, et grande rivale de Marion de Lorme, autre galante de l'époque. Il fallait une passion dévorante pour que la coqueluche des «ruelles» décide de quitter Paris pour aller s'enfermer dans un château qui paraissait déjà bien rustique. Et qui plus est, dans la tour qui servait auparavant de prison. Cette tour, dite aujourd'hui de Ninon, a cependant conservé les jolies boiseries décorées de grotesques commandées par Louis de Mornay. Aux rares touristes, on montre encore la cache aménagée derrière un faux mur, au cas où la légitime épouse du marquis aurait eu l'idée de faire irruption. Tandis que ses amants parisiens se désespèrent, Ninon se baigne nue dans le «miroir d'eau» aménagé devant le château, joue de son luth entre deux leçons de philosophie et trois d'amour très charnel. Et accessoirement, fait deux enfants au marquis. Secret de jouvence. Dire que Ninon est belle serait bien fade à ses contemporains. «Elle a porté les fleurs du printemps bien au-delà de l'automne», écrira sur le tard le chevalier de Châteauneuf,