Vous soutenez des projets « orphelins », qu’entendez-vous par là ?
Il s’agit de projets réalisables, d’un point de vue purement technique mais qui peinent à émerger faute de structuration ou de financement. Dans l’Orléanais, par exemple, nous accompagnons des agriculteurs souhaitant régénérer leurs sols, - trop longtemps appauvris par des pratiques conventionnelles -, en mettant en œuvre des cultures intermédiaires sans valeur marchande mais qui aident la fertilité. Le but est de capter le CO₂ et l’azote de l’air pour le restituer ensuite au sol via la racine de ces plantes. Autre exemple, dans la Manche, département le moins boisé de France, où nous travaillons en partenariat avec un exploitant local afin de réaménager une zone humide, dont on sait qu’elle va favoriser la biodiversité. Nous prévoyons aussi la plantation de neuf essences d’arbres, dont des fruitiers forestiers et des essences mellifères pour les pollinisateurs. L’ambition c’est de restaurer un écosystème diversifié et de favoriser l’apparition d’habitats pour la faune…
L’idée est donc de favoriser les pratiques agricoles régénératrices avec des solutions basées sur la nature…
En effet ! Et si la création de puits de carbone et de réservoirs biodiversité est fondamentale, le sol joue un rôle central en faveur de la régulation climatique. Rappelons, d’ailleurs, que l’initiative « 4 pour 1000 », lancée lors de la COP21, a montré qu’une augmentation annuelle de 0,5 % de la quantité de carbone contenue dans les sols permettrait de régler le problème du changement climatique. Il paraît aussi essentiel, de ne jamais décorréler carbone et biodiversité, biodiversité et climat. Par exemple, miser uniquement sur des essences à croissance rapide qui stockent un maximum de carbone va appauvrir la biodiversité parce que vous allez pomper dans les nappes phréatiques, donc, vous déplacez le problème ! À contrario, le fait d’agir sur des écosystèmes naturels donne une opportunité de jouer la combinaison : je régénère les sols, donc je stocke plus de carbone, résultat, mes sols sont plus riches…
On parle de double peine climatique avec le changement climatique et la perte de la biodiversité : quel est votre sentiment ?
Toute la difficulté réside dans la mobilisation mais aussi le fait de regarder les choses en face pour ne pas minimiser. Et en même temps, c’est vrai que c’est effrayant ! Pour autant, des solutions existent. Le risque à ne pas les exploiter, c’est de ne pas agir et d’arriver à une paralysie qui, demain, fera que certaines régions du monde deviendront inhabitables à cause des inondations, des pics de chaleur etc… La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui, globalement, nous savons quoi faire et comment faire. L’enjeu, c’est donc de transformer cette lucidité en action, et de continuer à avancer collectivement vers un impact réellement positif et durable !

