Son témoignage est rare pour un sportif d’un tel niveau. Dans les colonnes de l’Equipe ce week-end, le joueur de tennis allemand Alexander Zverev, 25 ans, a révélé être atteint de diabète de type 1. Le numéro 2 mondial et champion olympique à Tokyo s’est exprimé sur sa gestion de la maladie au quotidien, son sentiment de honte lorsqu’il était plus jeune et sur le pessimisme des médecins quant à ses chances de percer dans le sport de haut niveau.
En rééducation depuis son impressionnante chute en demi-finale de Roland-Garros face à Rafael Nadal (trois ligaments de la cheville déchirés), l’Allemand – qui est par ailleurs sous le coup d’une enquête interne de l’ATP, l’instance qui gère le circuit professionnel masculin, car son ex-petite amie, Olga Sharypova, l’accuse de violences domestiques –, a annoncé le 6 août le lancement de sa fondation dont le but est de soutenir les enfants atteints de diabète de type 1 et d’aider à la prévention du diabète de type 2.
Le diabète de type 1, qui concerne environ 10% des diabétiques, est une maladie auto-immune aux prédispositions génétiques, qui peut se développer tout au long de la vie mais le plus souvent pendant l’enfance et l’adolescence. Elle survient lorsque les cellules du pancréas s’autodétruisent, engendrant une carence en insuline, hormone qui régule la glycémie (quantité de sucre dans le sang). Le diabète de type 2 résulte lui d’une mauvaise utilisation de l’insuline produite par l’organisme. D’après l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de personnes atteintes de cette maladie dans le monde est passé de 108 millions en 1980 à 422 millions en 2014. En France en 2020, plus de 3,5 millions de personnes sont traitées par médicament pour un diabète, soit 5,3% de la population selon Santé publique France.
Sensibiliser les diabétiques
«Le diabète de type 2 est quasiment inexistant chez les sportifs lambda et ceux de haut niveau, car il est provoqué par une mauvaise alimentation et un manque d’activité physique, explique à Libération Valentin Lacroix, nutritionniste à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance. En revanche, le diabète de type 1, comme ce qu’a Alexander Zverev, peut toucher n’importe qui. Même s’il reste rare, de plus en plus de sportifs prennent la parole sur le sujet car cela peut avoir un impact sur le niveau de performance. C’est une maladie qui n’est pas toujours facile à gérer au quotidien.» Pour sensibiliser les personnes diabétiques et leur montrer qu’il est possible de réaliser des performances sportives de haut niveau, deux Américains ont par exemple fondé en 2008 l’équipe cycliste Novo Nordisk. Entièrement composée de diabétiques de type 1, elle évolue désormais en deuxième division mondiale.
Dans la même veine, le rameur britannique Steve Redgrave s’est également récemment exprimé sur le sujet dans les médias. Diagnostiquée à 35 ans alors qu’il se préparait pour les Jeux olympiques de Sydney en 2000, la légende de l’aviron ne pensait alors pas pouvoir de nouveau être compétitif. «Je m’étais presque convaincu que ma carrière était terminée. J’étais très terre à terre. Je n’avais pas eu une mauvaise carrière – six fois champion du monde et quatre fois champion olympique. C’est comme ça que je voyais les choses», racontait-il au Guardian en 2018. Comme Alexander Zverev, le rameur a dû s’habituer à s’injecter quotidiennement de l’insuline et à modifier son régime alimentaire pour tenir la cadence éreintante des entraînements. Deux ans plus tard, il remportait un cinquième titre olympique d’affilée.
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L’athlète met également en lumière l’évolution des soins depuis les années 90. Des seringues d’insuline, les malades sont passés à un système de stylos, plus pratique et discret, avant que ceux-ci ne fassent place aux patchs qui permettent désormais de surveiller en direct son taux de glycémie… même s’ils ne sont pas discrets lorsque les bras sont nus. «Les capteurs de glycémie ont la taille d’une pièce de 2 euros, ça attire le regard, souligne Valentin Lacroix. Et pour le sportif, le fait de se piquer peut créer des raccourcis avec le dopage et peut donc mener à des questions parfois déstabilisantes qui ne sont pas forcément simples à gérer.» Honteux, Alexander Zverev a ainsi mis du temps avant d’assumer la maladie aux yeux du monde. «Vers 17-18 ans, quand les journalistes me demandaient si j’étais diabétique, je niais. Au début, même sur le circuit, je me cachais pour m’injecter de l’insuline, je faisais ça aux toilettes, confie-t-il à l’Equipe. Quand j’ai commencé à rencontrer des filles, impossible de leur en parler ! J’étais beaucoup trop gêné pour aborder le sujet. Mais plus j’ai accumulé des succès, plus je me suis prouvé que tout le monde avait eu tort de m’empêcher de rêver, et plus j’ai commencé à me sentir à l’aise. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que c’est mon rôle d’en parler.»