Un soir à table, votre enfant chéri fraîchement entré en 6e se met à vous raconter sa journée : «Du coup, genre, Amandjine, sans mentchir elle me djit, genre en mode : t’as pris tes protège-tibias pour vendredji ouuuu ?» Silence. Vous reposez délicatement vos couverts sur votre assiette. Ça y est, votre enfant est devenu un ado. Allez-vous, dans un sursaut de snobisme bien accroché, lui demander gentiment de répéter après vous : «AmanDine», avec le «d» bien pointu ? Ou au contraire, vous attendrir de ce poignant désir d’intégration dans son nouvel établissement ? Après tout, votre esprit d’ouverture vous invite à croire que les accents participent à la vitalité de la langue. Vous êtes bien placé pour le savoir : vous-même avez longtemps caché le vôtre lorsque vous êtes arrivé dans la capitâââââle avec tous ses théââââtres.
Tribune
Pourtant, quand votre adorable progénitchure conclut le récit de sa journée par le fait qu’elle adore son coach «Didjier» et qu’elle pense arrêter les «chocolatchines» pour leur préférer les «tartchines», c’est plus fort que vous : l’envie de la corriger vous sort par les narines. Ces nouvelles prononciations de «ti, di, tu, du» sont pourtant devenues une norme : elles parcourent tout le territoire et sont étudiées de près par les linguistes, dont Maria Candea, professeure en linguistique française au département Littérature et linguistique françaises et latines de l’université Sorbonne Nouvelle.
Longtemps militante féminis