D’accord, ce n’est pas la meilleure saison pour planter un arbre. Mais l’envie se fait irrépressible quand on découvre ce lilas qui doit fleurir mauve au milieu des gravats. Il n’est pas mort, il a juste besoin d’une raison de vivre alors qu’un coup de pelleteuse a dû le déraciner. On croit humblement que l’homme et l’arbre peuvent s’épauler en cas de coup dur. On s’adosse à lui quand la fatigue nous terrasse, que le ciel crève en gerbes de pluie. On lui offre un tuteur, un peu de fumier quand l’arbrisseau peine à chercher le ciel. Ce lilas-là a une souche de patriarche incrustée d’une terre lourde. Les ramures sont drues au-dessus d’un fouillis de racines. On lui choisit un coin où il ne vieillira pas tout seul, où il pourra reprendre du poil de la bête en compagnie d’une tribu de pommiers taillés court et mangés par le lichen. De là, il pourra contempler le village dans le fond de la vallée et le versant austère de la crête couvert de résineux.
Berceau
On ne creuse pas pour planter un arbre. On lui fait un berceau, un moïse où il se lovera, bercé par la bise ou le mistral. Il faut prendre tout son temps pour faire le lit où il pourra déployer ses racines. Pas besoin d’une pelle imposante de maçon. Bien au contraire, on lui préfère une antique pelle américaine, élégante et légère. De celles avec lesquelles les hommes en guerre tentaient de s’enterrer pour se protéger du feu des canons et de la mitraille. Savaient-ils qu’en creusant ainsi de dérisoires abris, ils fabriquaient aussi p