Moi, la cocotte en fonte, je me réjouis à la perspective de faire mijoter la blanquette de poireaux sur le coin de la Godin. Ça me change de la sempiternelle soupe poireaux patates de l’hiver. Je fouette son odeur par tous les pores de ma fonte. Même que la p’tite Juliette, elle en peut plus de son potage alors que son père Marius, il en redemande et qu’il en remplit sa boîte à fricot avant d’aller trimer sur les voies du Paris-Lyon-Méditerranée. Le midi, il la réchauffe sur les braises du feu que son équipe entretient toute la journée derrière le ballast. Marius casse la croûte du pain dans sa soupe et il se brûle les lèvres sur sa vieille cuillère qu’il a conservée de son barda de poilu. Même que Juliette joue à la dinette avec le quart dans lequel il buvait son pinard et l’infâme «jus» qui faisait office de café le matin.
Berceau
Depuis la naissance de Maurice, le frère de Juliette à la Noël 1925, Marie, leur mère, est très accaparée par son bébé qui n’arrête pas de brailler. Pourtant, le docteur Pinchot dit qu’il va bien ce nourrisson né après une grossesse et un accouchement difficile. Alors quand elle a un peu de répit parce que Maurice a fini par s’endormir, Marie se pelotonne avec sa petite fille sur son lit qu’ils ont déplacé dans la cuisine pour faire de la place au berceau de Maurice dans leur chambre. C’est leur petit moment à elles deux. Aussitôt que son père rentre de son turbin, Juliette ne le quitte pas d’une semelle. Elle le suit partout. Quand il va donner le grain