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Libération
Greenwashing

Au Royaume-Uni, l’éco-responsabilité des marques de fast-fashion dans le viseur

L’Autorité de la concurrence et des marchés britannique a lancé une enquête, fin juillet, afin d’établir l’authenticité et la transparence des engagements écologiques d’Asos, Boohoo et George at Asda.
Les entreprises Asos et Boohoo ont déclaré être prêtes à collaborer avec l’Autorité de la concurrence et des marchés britannique. (Justin Tallis/AFP)
publié le 11 août 2022 à 7h00

Les trois marques de fast-fashion Asos, Boohoo et George at Asda sont dans le collimateur de l’Autorité de la concurrence et des marchés du Royaume-Uni (CMA). Dans un communiqué publié le 29 juillet, le régulateur a fait part de son intention de vérifier si les promesses écologiques de ces trois enseignes, dont il estime qu’elles ont un impact néfaste sur l’environnement, sont véritablement respectées.

En d’autres termes, le CMA cherche à savoir si elles se prêtent à l’écoblanchiment (ou greenwashing), soit un argumentaire marketing évoquant des pratiques respectueuses de l’environnement alors qu’il n’en est rien. Et cela, pour se forger une image écoresponsable auprès du public. «Les personnes qui veulent acheter écolo et durable devraient pouvoir le faire avec la certitude qu’elles ne seront pas induites en erreur. Les produits dits verts peuvent jouer un rôle dans la lutte contre le changement climatique, mais seulement s’ils le sont réellement, a estimé Sarah Cardell, directrice générale par intérim du CMA, dans ce communiqué. Si ces trois sociétés utilisent des arguments écologiques trompeurs, nous n’hésiterons pas à prendre des mesures coercitives comme, par exemple, engager des poursuites judiciaires.»

«Arguments écologiques trompeurs»

En septembre 2021, l’autorité britannique a publié le Green Claims Code, une charte sur laquelle les entreprises, tous secteurs confondus, sont invitées à s’appuyer pour communiquer «avec honnêteté et précision vis-à-vis de leur clientèle» sur leurs efforts en matière de respect de l’environnement. Et en janvier 2022, c’est vers l’industrie textile que le régulateur a choisi de commencer à concentrer ses efforts, tout en indiquant qu’un premier passage en revue avait mis en exergue «des inquiétudes sur de potentiels arguments écologiques trompeurs».

Comment ? En s’appuyant, dans un premier temps, sur des audits réalisés auprès des consommateurs mais aussi auprès des trois enseignes elles-mêmes, qui se verront forcées de fournir les informations nécessaires à évaluer leurs pratiques commerciales. Elles devront ainsi permettre au CMA de pouvoir vérifier si le vocabulaire utilisé en termes de marketing eco-friendly est suffisamment clair. Ou si les critères utilisés pour qualifier les produits d’«écologiquement durables» sont vraiment à la hauteur des attentes des clients (par exemple, les vêtements doivent atteindre un seuil de plus de 20 % de matières recyclées s’ils sont dits «écolos»).

«Nous ne sommes qu’au début de notre travail dans ce secteur et toutes les sociétés doivent prendre en compte qu’elles se doivent de passer en revue leurs pratiques et s’assurer qu’elles sont conformes à la loi», ajoute Sarah Cardell, toujours dans le même communiqué. Le jour de la publication de ce dernier, les entreprises Asos et Boohoo se sont dites prêtes à collaborer avec l’Autorité de la concurrence et des marchés britanniques. Elles ont, le lendemain, été suivies par George at Asda.

«Le fléau qu’est le greenwashing»

En France, c’est la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui joue le rôle de régulateur quant à l’impact de l’industrie textile sur l’environnement. En juillet 2021, la DGCCRF a aussi publié une charte, à destination des entreprises, dite «d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne» (alors signée par 18 acteurs parmi lesquels Sarenza, Cdiscount, Showroom privé, La Redoute ou encore Veepee). Les sociétés signataires doivent ainsi, chaque année, rendre compte «des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus».

En règle générale, l’autorité française peut aussi lancer une enquête si elle constate que les pratiques de certaines sociétés vont à l’encontre de démarches écoresponsables (spécifiées dans la loi «climat et résilience» d’août 2021 voire dans le décret du 13 avril 2022 concernant la compensation carbone et les allégations de neutralité carbone dans la publicité).

Des associations sont, elles aussi, vent debout contre le greenwashing. Le 21 juin 2022, Zero Waste France a ainsi porté plainte devant les tribunaux de grande instance de Paris et Strasbourg, contre les équipementiers Adidas et New Balance. Et cela, pour pratiques commerciales trompeuses mettant en cause «des engagements environnementaux de façade» ainsi qu’une communication mensongère («100% recyclé», «privilégiant l’environnement», «solutions contre les déchets plastiques», etc.). «Il est temps que la justice se saisisse du fléau qu’est le greenwashing, et que les marques de fast-fashion comprennent qu’elles sont dans l’illégalité quand elles affirment que vendre une basket composée de matériaux recyclés permet de lutter contre la pollution plastique», avait alors affirmé Alice Elfassi, responsable juridique de Zero Waste France.