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Le projet de loi pour lutter contre les discriminations capillaires voté à l’Assemblée

Le texte porté par le député Liot Olivier Serva, qui vise à mieux quantifier et sensibiliser sur les discriminations liées à la longueur, la couleur ou la texture des cheveux, est en route pour le Sénat.
Les partisans de la loi envisagent, dans le sillon de la loi, une généralisation du testing pour lutter contre les discriminations capillaires, sans pour l’heure préciser la forme que prendront ces initiatives. (Delmaine Donson/Getty Images)
publié le 27 mars 2024 à 17h44
(mis à jour le 28 mars 2024 à 14h39)

Se moquer des personnes rousses ou blondes, discriminer les coupes afros, contraindre une salariée à faire un brushing pour paraître «plus professionnelle»… l’Assemblée nationale a voté ce jeudi une proposition de loi contre la «discrimination capillaire», malgré des réserves sur l’utilité de l’initiative. Elle est notamment contestée par de nombreux juristes.

Le texte de loi du député guadeloupéen Olivier Serva (groupe indépendant Liot), adopté ce jeudi 28 mars par 44 voix contre 2, vise «à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire», c’est-à-dire toute différenciation de traitement liée aux cheveux (longueur, couleur, texture) dans la rue, à l’école ou au travail. L’élu ultramarin rêve de voir la France devenir le tout premier pays au monde à légiférer sur cette problématique. Prochaine étape : le Sénat où l’avenir de la proposition de loi est encore incertain. Le député ultramarin espère connaître un sort différent du texte étasunien dont il s’inspire : le Crown Act étasunien (l’acronyme de Create a respectful and open world for natural hair, que l’on pourrait traduire en français par : «Créer un environnement respectueux et ouvert pour les cheveux naturels») qui a été adopté par 25 Etats sur 51, mais rejeté plusieurs fois au niveau fédéral par le Sénat.

«C’est l’exemple typique d’une mauvaise idée : il n’y a pas de vide juridique», explique à l’AFP Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail. Qui, comme d’autres détracteurs ou sceptiques, estime que la discrimination basée sur «l’apparence physique» est déjà reconnue par la loi. A cela s’ajoute une jurisprudence datant de novembre 2022. A l’époque, la Cour de cassation a rendu un arrêt donnant raison à Aboubakar Traoré, un steward d’Air France. Ce dernier a été sanctionné puis licencié en 2005 parce qu’il portait des tresses nouées en chignon. Même si les actions en justice sont rares, certains cas ont été amplement médiatisés. A l’instar de la polémique autour de Sibeth Ndiaye, ex-porte-parole du gouvernement, dont l’afro volumineuse en 2019 avait suscité réactions épidermiques d’une partie de la classe politique, de commentateurs et d’internautes.

De leur côté, les partisans de la loi estiment qu’elle viendra, si elle passe au Sénat, répondre à une difficulté : l’impossibilité de quantifier le phénomène en France. Ils envisagent d’ailleurs, dans le sillon de la loi, une généralisation du testing pour lutter contre les discriminations capillaires, sans pour l’heure préciser la forme que prendront ces initiatives. Mais elles pourraient, à la manière des testings de SOS Racisme à l’entrée des boîtes de nuit, permettre de collecter des données et apporter des statistiques sur la réalité des pratiques de discriminations capillaires en France. De quoi mettre en exergue le sentiment d’impunité des personnes qui discriminent, et le fait que les personnes discriminées peinent à lancer des actions en justice.

Mis à jour le 28 mars à 14h30 avec l’adoption du texte.