L’épidémie de Covid-19 et les multiples obstacles et retards n’auront pas eu raison du cannabis médical. Initié par les patients, développé par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et soutenue par médecins et spécialistes, le projet d’une autorisation du cannabis thérapeutique devient enfin concret en France.
La première prescription, pour un patient souffrant de neuropathie centrale, a eu lieu au CHU de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), dans le service du professeur Nicolas Authier, président du comité scientifique temporaire sur le cannabis à usage médical, en présence d’Olivier Véran et de spécialistes de la douleur. Face aux médecins, le ministre de la Santé a salué le travail mené par l’Agence du médicament et les équipes du professeur Authier. Et rappelé son expérience en tant que neurologue à Grenoble : «Certains patients n’arrivaient pas à être soulagés avec les traitements habituels. Des patients qui avaient des douleurs tellement fortes qu’on les hospitalisait en neurologie. Un jour, un patient qui avait des douleurs quasi suicidaires n’est pas venu pendant trois mois. Je l’ai recontacté et il m’a dit qu’à sa grande surprise, quelqu’un lui avait fait vaporiser du cannabis. Il n’a plus eu mal pendant trois semaines.»
«Le déploiement effectif se fera à partir de lundi, dans d’autres hôpitaux de référence où des médecins spécialistes (douleur, cancérologie, neurologie, épilepsie, sclérose en plaques, soins palliatifs) ont déjà été formés», a indiqué Nathalie Richard, directrice du projet à l’ANSM. Quelque 200 centres de références, dans 170 hôpitaux, sont impliqués dans l’expérimentation. La première consultation devra obligatoirement se tenir dans un de ces centres et concerne des patients déjà suivis par les services hospitaliers spécialisés ou bien adressés par le médecin traitant.
«C’est un jour important pour l’histoire de la médecine en France»
Le professeur Nicolas Authier a rappelé que l’expérimentation allait apporter un encadrement médical ainsi que la sécurisation des produits. «L’objectif n’est pas forcément d’inclure [uniquement] des patients qui sont déjà utilisateurs. Beaucoup de patients qui participeront seront naïfs par rapport au cannabis de manière générale», assure le président du Comité scientifique. «C’est un jour important pour l’histoire de la médecine en France. Notre pays, à compter d’aujourd’hui, commence à reconnaître dans le cadre d’un protocole thérapeutique le cannabis comme étant un membre à part entière de la pharmacopée française, a pour sa part souligné Olivier Véran dans les couloirs du CHU. C’est une histoire longue dans notre pays que l’histoire de l’usage médical du cannabis qui existe d’ailleurs la plupart des pays européens et qui jusqu’ici, était bloqué dans notre pays.»
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Du côté des patients, on salue cette visite surprise du ministre et le lancement de cette phase de test. «C’est un acte fondateur pour les patients atteints de pathologies lourdes en France, s’est félicité Bechir Saket, porte-parole du collectif Alternative pour le cannabis thérapeutique (ACT), qui réunit plusieurs associations de patients, de professionnels de santé et des juristes. Toutefois, on continue d’alerter le ministre sur la question des patients qui consomment déjà du cannabis et qui sont poursuivis par la justice.»
Les soins à base de cannabis prendront la forme d’huiles, de fleur de cannabis à inhaler avec des appareils spécifiques et médicaux. Cinq pathologies graves sont concernées par cette prise en charge : les patients souffrant de certaines formes d’épilepsie, de douleurs réfractaires, d’effets secondaires de la chimiothérapie, de certaines douleurs liées à la sclérose en plaques ou encore en situation de soins palliatifs. Des enfants pourront être inclus au programme, en particulier pour des formes d’épilepsie réfractaires aux traitements existants.