L’inflation continue à ralentir en 2024, mais pas les stratégies commerciales douteuses des industriels et distributeurs. Si on connaissait la «shrinkflation» (ou «réduflation»), qui consiste à diminuer la quantité de produit dans un emballage tout en maintenant ou en augmentant son prix, voici désormais la «cheapflation».
Contraction de «cheap» («bon marché») et «inflation», la pratique consiste à réduire la quantité d’ingrédients dans un produit, à les supprimer ou à les remplacer par des substituts moins chers ou de moins bonne qualité… Sans que leurs prix ne baissent pour les consommateurs. L’aspect «bon marché» de cette pratique se résume donc surtout à un coût de production moins cher, et surtout à des marges plus importantes pour les marques.
Interview
Sur son site internet, l‘association de défense des consommateurs Foodwatch a dénoncé publiquement, dans le cadre d’une enquête menée avec l’émission «France grand format» sur France 2, six produits de grandes marques pris en flagrant délit de «cheapflation». «Nous avons identifié des exemples remontant jusqu’en 2016, bien avant le début de la hausse des prix alimentaires. Le phénomène n’est donc pas récent, mais l’inflation pourrait avoir encouragé les industriels à recourir à ces pratiques», explique l’association.
Sont par exemple nommés les bâtonnets de surimi Fleury Michon, qui comprennent 11 % de chair à poisson en moins alors que le prix au kilo a augmenté de 40 % entre 2021 et 2023. L’association cite aussi une mayonnaise Maille (marque du groupe Unilever), ayant perdu 24,7 % de jaune d’œuf alors même que son prix a augmenté de 12,1 % entre novembre 2023 et janvier 2024, un cookie au chocolat de la marque Milka (Mondelez) dans lequel l’huile de tournesol a été remplacée par l’huile de palme. Les rillettes de poulet Bordeau Chesnel, les chocolats After Eight (Nestlé) ou un poisson de la marque Findus (Nomad Foods) sont également épinglés.
Du côté des industriels responsables, Foodwatch explique avoir «interpellé les fabricants, qui justifient généralement ces changements par une hausse du prix des matières premières en période d’inflation. Pour Foodwatch, cela n’excuse en rien l’opacité sur les changements de recette ou de format, ni la hausse des prix qui y est corrélée».
«C’est une arnaque»
Par ailleurs, l’association dénonce aussi la «shrinkflation», que le gouvernement envisagerait de réguler. Bercy travaillerait actuellement sur un projet d’arrêté qui contraindrait d’ici mars 2024 les supermarchés à expliciter davantage cette pratique commerciale sur les emballages, comme l’avait fait l’enseigne Carrefour en septembre 2023. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait ainsi déclaré à la même époque sur franceinfo : «C’est une arnaque, c’est scandaleux. Vous en avez moins et vous payez plus cher».
Les prix de l’alimentation, principal moteur de l’inflation en 2023 avec un sommet à presque 16 % au printemps, ont amorcé depuis un ralentissement, avec une hausse de 5,7 % sur un an en janvier 2024. Interrogé sur France 2 mardi 6 février dans l’émission «France grand format», Bruno Le Maire a affirmé : «nous avons gagné cette bataille contre l’inflation», assurant «qu’un quart des prix» allaient «baisser sur les pâtes, sur les huiles, sur le café». «Dans les semaines qui viennent, peut-être dans les mois qui viennent, nous serons sous les 2 %», a-t-il ajouté à propos de la hausse des prix en France.