La cheapflation est devenue une pratique courante chez les industriels de l’agroalimentaire : elle consiste à réduire, à supprimer ou à substituer un ingrédient par un autre, moins cher ou de qualité inférieure, tout en augmentant le prix du produit. La shrinkflation, elle, repose sur une réduction du poids tout en commercialisant la même marchandise à un prix égal ou supérieur. Foodwatch, une organisation sans but lucratif qui publie des enquêtes sur l’alimentation, est particulièrement attentive à ces phénomènes. Le 17 avril, elle a révélé trois produits modifiés en s’appuyant sur des données factuelles, qui sont ensuite confirmées par les industriels eux-mêmes. Impossible alors d’attaquer l’ONG en diffamation : «Les information de Foodwatch sont toujours vérifiées et re-vérifiées. La méthodologie est faite à hauteur de consommateur et des infos qu’ils ont à leur disposition», explique Audrey Morice, chargée de campagnes pour l’ONG. Parmi les produits épinglés : un cordon-bleu, un jambon haché et un yaourt.
Moins de poulet et plus de sucres
Au rayon viande, l’escalope cordon-bleu au poulet Le Gaulois a diminué sa quantité de viande de 58 % à 54 % et d’emmental de 5 % à 3 % mais y a augmenté la quantité de chapelure (de 22 % à 26 %). Comme il n’y a pas de petit profit, entre avril 2022, date du changement de recette et mars 2024, le prix au kilo du produit a augmenté de 25 % en tenant compte de l’inflation.
Dans le même frigo, les hachés à poêler au jambon 100 % viande de porc Fleury Michon, au packaging quasi identique, s’appelait autrefois «haché de jambon 100 % jambon à poêler». Il s’appelle désormais «haché de jambon à poêler viande 100 % porc». Entre 2020 et 2024, la quantité de jambon de porc est passée de 48 % à 35 % mais le filet de porc (11 %) a été remplacé par de la viande porc (33 %). L’ONG spécifie : «On ne sait pas de quoi est faite la viande de porc.» Un additif et un colorant, le caramel ordinaire, ont été ajoutés dans la recette. Le produit a aussi été l’objet d’une subtile shrinkflation, passant de 2 x 200g à 2 x 190g, tandis que son prix au kilo a augmenté de 23 %.
Le Siggi’s Skyr vanille, ce yaourt épais inspiré de la recette des yaourts islandais et commercialisé par Lactalis-Nestlé Produits Frais a, en février 2023, vu sa quantité de sirop d’agave augmenter de 5,9 % à 6,3 %. Le produit est techniquement plus sucré alors que la mention «recette simple, moins sucrée», laisse penser que la recette a été réduite en sucres. Le prix au kilo a aussi augmenté de 13 %.
Enquête collaborative
Pour mener leurs enquêtes, Foodwatch s’appuie sur des alertes venues des consommateurs eux-mêmes : «On travaille aussi avec la base de données Open Food Facts, explique Audrey Morice. C’est une base de données open source et collaborative qui renseigne des fiches produit par produit et permet de voir comment les produits sont modifiés date après date. La base est parfois alimentée par les industriels eux-mêmes, et ils n’ont pas intérêt à donner des informations erronées car elles sont recoupées par des associations de consommateurs ou des citoyens lambda.»
Suite à l’enquête sur la cheapflation publiée en février, une centaine d’alertes ont été envoyées à Foodwatch par les consommateurs eux-mêmes, étonnés de voir leurs produits préférés augmenter en prix mais pas en qualité.