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Sobriété

La consommation mondiale de vin au plus bas depuis plus de 60 ans, entre inflation et nouveaux goûts

En 2024, la consommation dans le monde a de nouveau reculé, de 3,3 %, selon les chiffres de l’Organisation internationale du vin (OIV) publiés ce mardi 15 avril. La conséquence de prix gonflés par de faibles volumes de production, par la hausse des coûts pour les viticulteurs et par l’inflation générale.
Des bouteilles de Chablis, le 3 avril 2025. (Thibault Camus/AP)
publié le 15 avril 2025 à 21h47

Sobre, le monde est sobre. La consommation mondiale de vin a de nouveau reculé en 2024, à son plus bas niveau depuis 1961, estime ce mardi 15 avril l’Organisation internationale du vin (OIV). Les achats de vin ont diminué de 3,3 % par rapport à 2023, à 214,2 millions d’hectolitres (mhl), détaille l’OIV dans son rapport annuel, basé sur des chiffres officiels des Etats. Si cette estimation était confirmée, «ce serait le plus faible volume enregistré depuis 1961» (213,6 mhl).

A l’œuvre, une demande en baisse sur des marchés clés comme les Etats-Unis et des prix moyens gonflés par de faibles volumes de production, la hausse des coûts et l’inflation générale : le consommateur paie son vin en moyenne 30 % plus cher qu’en 2019-20. C’est «la tempête parfaite», déplore Giorgio Delgrosso, responsable de la division statistiques de l’OIV.

La consommation française en recul de 3,6 % l’an dernier

En Europe, qui représente 48 % des ventes, la consommation a baissé de 2,8 % en 2024. Et en France, la consommation diminue progressivement depuis des décennies et a encore reculé de 3,6 % l’an dernier. «Il y a une baisse générationnelle : on ne boit plus que dans un cadre festif et les jeunes consomment moins que leurs parents», rappelle le caviste français Nicolas, qui estime toutefois qu’«on boit moins, mais mieux», avec une «augmentation du coût des produits». L’Espagne et le Portugal comptent parmi les rares marchés européens où la consommation a crû, modestement. Premier marché mondial, les Etats-Unis ont vu leur consommation régresser de 5,8 %, à 33,3 mhl. Les ventes sont aussi en recul en Chine.

«Au-delà des perturbations économiques et géopolitiques de court terme, il importe de prendre en compte les facteurs structurels de long terme qui contribuent aussi au déclin observé de la consommation», souligne l’organisation intergouvernementale créée il y a 101 ans : nouvelles préférences de consommation ou modes de vie…

A terme, le repli de l’inflation promis pour 2026 par des économistes «va-t-il ramener la Chine et les Etats-Unis ? Ou bien va-t-on se stabiliser sur des niveaux un peu plus bas ? Ce sont les deux scénarios», difficiles à départager à ce stade, explique Giorgio Delgrosso. «Il faut voir ce qui se passe côté Trump, côté commerce international, puisque […] ça peut être une autre bombe», a-t-il aussi relevé.

Récolte plus faible que prévu

La production des viticulteurs a parallèlement reculé en 2024 à son plus bas niveau depuis plus de 60 ans, de 4,8 % à 225,8 mhl. C’est encore moins que les estimations les plus pessimistes publiées fin 2024, Espagne et Etats-Unis ayant abaissé leurs chiffres. Les récoltes ont subi une surabondance de pluies dans certaines zones, de la sécheresse sur d’autres.

L’Europe (61 % du total) présente la récolte la plus faible de ce siècle. L’Italie retrouve la place de 1er producteur mondial, à 44 millions d’hectolitres ; la production française tombe (-23 %) à son plus faible niveau depuis 1957, mais reste 2e avec 36,1 mhl. Arrivent ensuite l’Espagne (31 mhl), les Etats-Unis (21,1 mhl, en baisse de 17,2 % du fait notamment de chaleurs extrêmes).

L’hémisphère Sud n’avait pas vu récolte aussi réduite depuis 20 ans. Les effets d’une production en recul et de prix plus élevés, se sont fait sentir sur le commerce international, avec 99,8 mhl exportés, comme en 2023 mais 5 % en deçà de la moyenne des cinq dernières années.

Ce recul en volume a cependant été compensé par une forte valeur à l’export : 35,9 milliards d’euros de vin ont été échangés l’an dernier, grâce à un prix moyen de 3,60 euros par litre, le même niveau record qu’en 2023.

L’Italie, premier exportateur mondial, a vu ses commandes croître, tirées notamment par les vins pétillants comme le Prosecco. La surface cultivée a elle aussi continué à décliner. Mais cela «ne nous inquiète pas trop», note Giorgio Delgrosso : ce peut être une réponse au marché mais aussi un signe d’efficacité améliorée, d’abandon de certaines zones ou encore l’effet de réglementations.