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Contrefaçon de vin : une IA qui a du flair

Une équipe de chercheurs rattachés à l’Université de Genève a développé une intelligence artificielle capable de reconnaître avec précision sept domaines du Bordelais et leur potentielles contrefaçons.
Dans l'AOC Saint-Emilion, à Montagne en Gironde. (Philippe Roy/Aurimages. AFP)
publié le 11 décembre 2023 à 10h08

Une étude parue dans la revue Communications Chemistry le 5 décembre révèle qu’il est désormais possible de retrouver l’origine des vins en fonction de leurs composants chimiques. Une équipe de chercheurs en neurosciences de l’Université de Genève (en partenariat avec l’Université de Bordeaux) a analysé 80 vins rouges de sept domaines du vignoble bordelais sur douze millésimes (entre 1990 et 2007) en séparant et en analysant leurs molécules selon la méthode «chromatographie en phase gazeuse». La retranscription des données se révélant fastidieuse, l’équipe a mis au point une IA capable de traiter et de comparer rapidement les données obtenues, d’où l’idée, imagée, que ce robot serait doté d’un «flair» détecteur.

«Signature chimique unique»

«Nous avons cherché à savoir si les identités chimiques et les millésimes (année de récolte) des vins de Bordeaux pouvaient être déduits d’une analyse chimique commune et abordable, à savoir une combinaison de chromatographie en phase gazeuse (CPG) et de spectrométrie de masse à ionisation électronique», détaille l’étude. Résultat : les chercheurs ont constaté que chacun de ces sept domaines viticoles a une «signature chimique unique» ; ils ont ensuite été capables de les retracer avec précision sur une carte géographique. Repérer le millésime a été plus incertain, avec un taux de réussite de 50 %. Les chercheurs concluent à une application concrète de leur IA auprès de domaines viticoles désireux de se protéger de la contrefaçon.

Le trauma de l’affaire Kurniawan

Que cette IA soit désormais utilisée à cette fin nous laisse cependant dubitatifs. La dernière grande affaire de contrefaçon dans le Bordelais remonte à l’été 2022. Elle avait permis aux douanes françaises de saisir plusieurs centaines de milliers de bouteilles contrefaites, considérées comme du vin «bas de gamme», destinées à l’export et à la vente en supermarchés. Les étiquettes et les embouteillages laissaient croire à du vin de Bordeaux alors que les jus, de piètre qualité, venaient d’autres régions.

Mais les contrefaçons de grands crus du Bordelais revendus à prix d’or en Asie, notamment, sont plus rares – la plus célèbre en date, dite «l’affaire Rudy Kurniawan», remontant à 2014. Un doute subsiste, donc, quant à l’application réelle de cette IA chez les viticulteurs bordelais – d’autant plus qu’avant la contrefaçon, l’enjeu le plus urgent de cette région reste celui de la surproduction et de la chute des ventes, qui a obligé plusieurs vignerons ces derniers mois à distiller leur vin ou à arracher leurs vignes.