Les bureaux de vote grouillent d’individus angoissés. Rompus au rituel citoyen, ils sont habités par leurs petites manies, leurs superstitions ou leur grande mémoire traumatique électorale. Il y a le votant anxieux qui vérifie frénétiquement qu’il a bien mis le bon nom dans l’enveloppe. A l’instar du citadin qui remonte dans son appartement en s’assurant que le gaz et les lumières sont bien éteints, le votant obsessionnel plante sa tente dans l’isoloir pour se livrer à une triple vérification de son bulletin. Signes distinctifs : on le reconnaît à l’enveloppe toute fripée et moite qu’il glisse dans l’urne. Lorsqu’il entend «a voté», un sourire crispé de personne constipée lui donne la réplique. Pour les plus toqués d’entre nous, le doute peut subsister même après le vote.
En matière de minutie, il n’a rien à envier à l’électrice coquette jusqu’au bout des ongles tétanisée à l’idée de laisser une trace de vernis sur son bulletin de vote. Dans sa tête, elle est une sorte de George Clooney dans Urgences. Ces gestes sont lents, précis, réfléchis comme si elle opérait un patient à cœur ouvert. Qu’elle se rassure, le ministère de l’Intérieur est formel. Pour qu’un bulletin soit jugé «non conforme», il doit être franchement «raturé», «colorié» ou porter l’inscription d’un mot manuscrit. Encore plus méti