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A Chaumont-sur-Loire, le paysagisme fait de la résilience

Pour sa 32e édition, le Festival international des jardins (Loir-et-Cher) expose jusqu’en novembre une vingtaine de propositions paysagères en concours qui anticipent les crises environnementales. Une façon d’imaginer le «jardin du futur», adapté aux conséquences du dérèglement climatique.
Ashley Martinez et Julie Cote présentent «le Corridor végétal». (Henrike STAHL)
publié le 9 juillet 2023 à 9h37

On accède à la première parcelle de 250 mètres carrés, délimitée par des charmilles en empruntant un couloir vert fait de saule des vanniers tressé vivant – de l’osier en somme. Parmi les plantes grasses, les albizias et les passiflores, on prend le temps de la déambulation un grand bol de fraîcheur. Entre Amboise et Blois, à Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher), où se tient depuis fin avril et jusqu’en novembre la 32e édition du Festival international des jardins, le «corridor végétal» d’Ashley Martinez et Julie Cote est conçu comme une escale apaisante pour supporter les grands cagnards, amenés à se multiplier sous l’effet du changement climatique, tout en offrant le gîte et le couvert aux insectes et aux oiseaux. Il s’agit de l’une des 20 propositions paysagères autour de l’idée de résilience, entre autres «cartes vertes» de paysagistes de renom (le «maître jardinier» Franck Serra ou l’architecte belge Bas Smets), en lice pour le concours qui se tient au pied du château Renaissance de Chaumont.

La demande faite cette année aux concepteurs des jardins candidats : donner à voir un «jardin du futur», qui anticipe et s’adapte aux conséquences du dérèglement climatique (sécheresse, montée des eaux, vagues de chaleur, etc.). C’est-à-dire apporter des solutions ou une réflexion plus générale sur notre rapport à la nature grâce à un «outil total», dixit Chantal Colleu-Dumont, directrice du domaine de Chaumont-sur-Loire. «Les jardins de cette édition constituent des réponses esthétiques à des problématiques comme les fortes chaleurs : on ne peut plus ignorer les menaces qui pèsent sur le vivant», résume-t-elle. La manifestation, qui voit désormais passer 500 000 visiteurs par an, n’a d’ailleurs pas attendu les années 2020 pour se verdir. Depuis une douzaine d’années, elle multiplie les thématiques écolos (sur la biodiversité, le biomimétisme ou le «retour à la Terre mère») «pour faire passer un certain nombre de messages». «Les jardins sont un bon instrument pédagogique et on essaye d’être du côté de l’espérance», souligne Chantal Colleu-Dumont, adepte du philosophe écolo Baptiste Morizot, certaine que «les paysagistes vont jouer un rôle de plus en plus important».

D’ailleurs, le domaine, qui est un refuge de la Ligue de protection des oiseaux, a également revu un certain nombre de ses pratiques en matière de jardinage. Par exemple l’arrêt de l’utilisation de produits chimiques comme les désherbants depuis bien longtemps. Et, surtout, exit la pelouse dans la cour de la ferme par laquelle on entre et qui nécessitait d’être constamment arrosée pour garder ses couleurs verdoyantes. A la place, le paysagiste britannique James Basson, installé depuis vingt ans dans le sud de la France, a conçu cette année, à l’invitation du festival, un jardin sec composé d’une quarantaine de plantes grasses et aromatiques de l’espace méditerranéen (des succulentes et du thym notamment) très peu gourmandes en eau, voire pas du tout passé la première année. «On a aussi planté des parterres de lierre autour du grand bassin, ça pousse tout seul et ne s’arrose pas», précise Chantal Colleu-Dumont. Une façon pour le temple de l’art des jardins d’anticiper la raréfaction de l’eau à venir dans la vallée de Loire.

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