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«Amour vivant», le design garanti sans pétrochimie

Du 12 au 22 octobre, à Paris, la première édition de la biennale du design soutenable mise sur «la nouvelle garde» de créateurs conscients de leur empreinte environnementale pour explorer les matériaux de demain et leurs potentielles applications.
(Aléa/Miriam Josi & Stella Lee Prowse)
publié le 12 octobre 2023 à 9h27

Ecorces glanées, marc de café, pierre de lave, sédiments marins de l’estuaire de la Gironde, branches d’arbres, aiguilles de pin, coquilles de noisettes, cocons de vers à soie, cheveux humains… Si vous pensez qu’il s’agit de rebuts dont on ne sait que faire ou de matériaux désuets, voire de piètre qualité, autrement dit, qu’il n’est pas possible d’en faire grand-chose, alors on vous conseille ardemment de faire un tour à «Amour vivant». La deuxième édition de la biennale du design soutenable, qui se tient au cinquième étage de l’ancien immeuble des PTT du boulevard Bonne-Nouvelle – écrin de béton brut du Xe arrondissement – du 12 au 22 octobre, tente de démontrer que l’avenir, et en fin de compte le présent, se nichent pour la «nouvelle garde» de la création contemporaine dans le recours exclusif à ces matières bio ou géosourcées à l’empreinte écologique la plus faible possible.

Autrement dit, des solutions locales, peu énergivores et consommatrices de ressources et peu polluantes existent pour produire le mobilier, l’architecture ou la mode à la hauteur du défi planétaire. «On souhaite proposer un voyage aux pays des réponses adaptées aux temps qui viennent, résume la curatrice Hélène Aguilar, cofondatrice de la manifestation avec Marie-Cassandre Bultheel et Armelle Lalo. On ne présente donc que des designers pionniers qui n’utilisent dans leurs recettes aucun élément de la pétrochimie. Très peu d’objets sont aujourd’hui fabriqués avec un cahier des charges 100 % naturel aussi strict. Mais ce n’est pas qu’une histoire de matériaux, ce sont des postures et une philosophie.» Parmi la trentaine de créateurs exposés – des designers, des artisans et pour certains des plasticiens, pour beaucoup en voie de confirmation –, peu sont d’ailleurs de mèche avec l’industrie, à l’exception de Sacha Parent, designer associée aux ateliers Luma de Arles, dont les étagères en fagots de paille de seigle et bois massif sont éditées par Oros (Marseille).

Travaux manifestes ou expérimentaux

Sans renier les questions esthétiques ou fonctionnelles, leurs travaux, présentés dans une scénographie «minimaliste et zéro-déchet» signée Laurence Falzon et Julien Beller, sont majoritairement manifestes, expérimentaux ou in situ (liés à un territoire donné). Et méritent par leur caractère prospectif (sur les teintures, les colles, les liants, etc.) qu’on s’y attarde un instant. Citons, à titre d’exemple : le mobilier d’extérieur (une table et un banc) en bois thermochauffé (c’est-à-dire mis sous pression dans une étuve à 200°C) du designer-chercheur Samy Rio, pour rendre la matière plus résistante et éviter le recours à des essences exotiques comme le teck. Autre intérêt : la mise en avant de bois «dévalorisé», comme le châtaignier, dans une logique de gestion durable des forêts cévenoles.

Laissant de côté ses recherches textiles, Lucie Ponard dévoile, elle, des faïences, produites à partir des terres d’excavation des chantiers du Grand Paris. «Les travaux génèrent un flux de déchets dont on ne sait pas trop quoi faire. Je me suis demandé comment les revaloriser, notamment dans le domaine de la céramique, à la fois pour de l’architecture d’intérieur ou des vases», explique la designer, formée à l’école Duperré et la Haute Ecole des arts du Rhin. Cela donne de nouvelles recettes d’émaux aux couleurs et textures très diverses, dans les verts ou les bruns, qui constituent «une palette francilienne». A admirer entre autres ateliers, rencontres et conférences gratuites qui tentent de dessiner les contours d’un design vraiment durable.