Pour remporter le titre, jeudi, de maître jardinier décerné tous les deux ans depuis 2011 par le Carré des jardiniers lors du salon Paysalia, Antoine de Lavalette a transporté «un bout de parc» de Cessales (Haute-Garonne) à Lyon, pour la finale de ce concours national et prestigieux présidé par Jean Mus. Pas littéralement, évidemment. Fidèle au thème de la biodiversité dans la ville de demain, son projet «L’im.pas.si.sage» est une invitation à se promener dans un souvenir d’enfance, au milieu d’une nature qui reprend gentiment ses droits sur le béton.
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Diplômé de l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, le paysagiste de 35 ans à la tête de l’entreprise familiale (haut-garonnaise) Nature & Création avec sa cousine Florence, plaide en effet depuis une dizaine d’années pour des jardins où la végétation s’affirme par elle-même – tout cela reste néanmoins maîtrisé. Formé chez le paysagiste Camille Muller, le Toulousain a par exemple œuvré sur le domaine du château de Roquefoulet, en plein cœur du Lauragais, ou dans les jardins de particuliers de la région. Avant d’être invité par la mairie de Toulouse à faire la scénographie du festival Capitole végétal au mois d’octobre. «Je regarde la végétation qu’il y a autour des jardins avant de planter, pour que ce soit adapté au lieu, on ne fait pas des bulles éphémères au milieu d’une forêt», explicite Antoine de Lavalette. Il a répondu aux questions de Libé.
Que signifie pour vous être maître jardinier ?
C’est la fin heureuse d’un long marathon d’un an. Ce n’est pas seulement un titre, mais une responsabilité à porter parce que, d’un coup, on nous regarde et on va être sollicité pour montrer l’exemple. Cela nous oblige aussi à donner envie aux plus jeunes de s’intéresser à ce qu’on fait, à œuvrer à la valorisation de notre profession et à la défense de la nature. Il faut réfléchir un peu différemment à la façon dont on pense les jardins aujourd’hui. Dans mon travail, je fais toujours attention au vivant et je suis exigeant. Mais une vision durable, c’est complexe à mettre en œuvre, d’autant que la profession fait sa transition et que cela implique un changement de pratiques qui prend du temps.
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Quelle est votre conception du paysagisme ?
L’esthétique, c’est propre à chacun. Je n’ai pas de style précis, je fais les choses au jugé et j’ai besoin que ça me ressemble. Mais le résultat doit être assez vivant. Je suis sensible aux paysages un peu sauvages, mais aussi un peu structurés. L’art des jardins s’est toujours fait avec un dosage de nature et de structure. Le jardin anglais est plus sauvage que le français, plus structuré. La végétation s’adapte aussi au climat qui nous attend demain, je me pose donc la question de la palette végétale la plus adaptée au dérèglement climatique.
On a l’impression que l’époque est plutôt anglaise…
La palette végétale, c’est vrai, est inspirée d’une tendance naturaliste. Beaucoup de livres sortent aujourd’hui autour des vivaces ou des graminées. C’est une mode, d’une certaine manière. Mais cette tendance actuelle de vouloir recréer des ambiances naturalistes avec toute une faune des jardins, ce côté un peu sauvage, répond à un besoin. Comme si on en manquait.
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Comment prenez-vous mieux en compte la nature dans votre pratique ?
J’ai une façon de faire des jardins et la biodiversité fait partie du package. C’est quelque chose que je mesure à l’œil. Je n’imagine pas un jardin sans oiseaux, donc sans insectes, etc., même si ce n’est pas un message qu’on revendique. Un jardin a toujours besoin d’eau, mais on fait attention aux besoins, on couvre les sols de paille, on plante un peu plus d’herbacés et on adapte la végétation au climat. Ça fait longtemps qu’on ne met plus de produits phytosanitaires dans nos jardins en tout cas, et on fait aussi de l’apiculture ou des potagers. Et on essaye de montrer que tout ça est lié.