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Avec les Tabi de Margiela, des designers découvrent la botte aux roses

Deux créateurs basés en Italie se sont saisis de la paire de chaussures japonaise, popularisée par Margiela, pour la conception de vases en céramique. Et c’est pas mal du tout.
L'un des vases d'Idea Generale, créé à partir des chaussures Tabi de Margiela. (DR)
publié le 12 mai 2021 à 14h44

A la fin des années 80, le designer belge Martin Margiela dévoile un modèle de chaussures, les Tabi Boots, devenu depuis iconique. Déclinés par sa marque sous toutes les coutures au fil des années – escarpins, bottes à plateformes, espadrilles, ballerines, mules, sandales, mocassins, sneakers (au gré de partenariats comme avec Reebook) et même une bougie, les Tabi et leur fameux gros orteil séparé du reste du pied font partie de l’abécédaire de tout aficionado de la mode.

Deux designers installés à Pesaro, petite ville de la côte est de l’Italie, et fondateurs du studio Idea Generale, ont eu l’idée de décliner la Tabi Boots en vase en céramique. Saïda Bruni, qui travaille avec Alfredo Garbugli, explique à Libération : «On avait besoin d’un vase à la maison et je me suis dit que je pourrai en mouler un à partir de la forme des Tabi Boots, qui sont mes chaussures favorites. Ce sont les plus excentriques que je possède et j’en ai plusieurs paires. On a d’abord vérifié sur le web que cela n’avait jamais été fait, puis nous nous sommes lancés.»

De la céramique de Pesaro

Première étape : créer un prototype de sabot bi-ongulé avec l’aide d’une entreprise familiale spécialisée dans la céramique, installée près de Pesaro. «Pesaro et son arrière-pays sont des endroits où l’on trouve la céramique la plus élégante, la plus fine et respectueuse de l’environnement. Le travail sur la céramique y est une tradition millénaire, des Romains aux majoliques du XIVe siècle. Sans parler des artistes plus récents comme Ferruccio Mengaroni ou le sculpteur Andrea Bucci», détaille le duo. Deuxième étape : mouler le prototype en lui apportant la forme de la fameuse Tabi Boots. «Au début, on a fabriqué les vases juste pour nous, mais de nombreux amis nous en ont demandés. Aussi, on a décidé d’en faire plus.»

Les deux designers n’ont pas eu besoin de faire appel à la maison Margiela pour leurs créations : les chaussures tabi sont originellement nées au XVe siècle au Japon. «La tabi est la chaussure de l’ouvrier japonais par excellence. Encore aujourd’hui, ceux qui travaillent sur les chantiers en portent. Elles sont faites à partir d’un coton très épais, avec une semelle en caoutchouc et antidérapante, ont aussi des scratchs pour qu’on puisse les enfiler et les enlever le plus facilement possible», explique Rabi Yansané, 34 ans, fondatrice de la start-up Taabara, distributeur de mode entre l’Afrique et le Japon, où elle a vécu plus d’un an. «Depuis le début de XXe siècle, la maison Sou Sou, basée à Kyoto, est le fabricant le plus connu. Dans les années 60, les tabi ont commencé à être fabriquées à la chaîne en Chine pour fournir les ouvriers japonais.»

Et cette aficionada de rappeler qu’avant d’être chaussures, les tabi étaient surtout des chaussettes. «C’est le nom de la paire de chaussettes portées non seulement pour convenir aux tabi mais aussi aux Geta, les chaussures qui accompagnent les tenues kimono. En quelque sorte, les tabis sont des chaussettes qui ont évolué en chaussures. Et Margiela s’en est tout simplement inspiré.»

«Le résultat d’un jeu»

Rabi Yansané, qui ne porte que très rarement autre chose que ses six paires de Tabi (et trouve les chaussettes adéquates lors de ses passages au Japon ou dans une boutique du Marais à Paris), précise en avoir dégoté faites main, en coton, sur un marché de Kyoto pour à peine 2 000 yens (15 euros). Elle s’est aussi procuré une paire de sneakers tabi créées dans le cadre d’un partenariat qui dure depuis quatre ans entre la marque japonaise Sou Sou et les Français du Coq Sportif. Rabi Yansané a aussi en sa possession une paire en cuir datée du début du XXe siècle, trouvée chez une antiquaire des puces de Saint-Ouen. Et dans laquelle, elle a mis… des fleurs séchées.

En attendant, les deux designers de Pesaro n’entendent pas créer une marque de sitôt : «Ces Tabi vases sont le résultat d’un jeu. Idea Generale est né sans que l’on réfléchisse vraiment à un concept. Nous sommes plus concentrés sur le produit lui-même plutôt que sur le marketing. Nous allons créer d’autres types de produits détournés à partir d’objets cultes ou iconiques. Peut-être qu’à partir de là, on pourra imaginer le véritable lancement d’une collection estampillée Idea Generale. Pour le moment, nous avons juste créé une page Instagram pour montrer nos vases en céramique.» Chaque vase coûte 250 euros et peut être acheté en passant, précisément, par la page Instagram d’Idea Generale.