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Céramique

Design : le Kintsugi ou la cicatrice sublimée

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Technique ancestrale venue du Japon, le kintsugi valorise la réparation d’objets brisés en soulignant leurs fissures avec de la laque dorée. Une pratique en plein essor depuis le début de la pandémie.
Des objets de l’ébéniste coréen Minwook Kim, finaliste du Craft Prize de la fondation Loewe. (Loewe)
publié le 11 juillet 2022 à 20h37

Avec le kintsugi, tout commence forcément par un bol, une assiette ou un vase en morceaux. Au lieu de jeter l’objet à la poubelle, le maladroit au cœur brisé, qui a la chance de maîtriser cette technique séculaire, se met à l’ouvrage et recolle, ponce, laque. Plus qu’une simple réparation, l’expert embellit un objet à l’aide d’une laque végétale (et alimentaire) poudrée d’or, symbole de richesse et d’une conscience éclairée chez les bouddhistes, pionniers du kintsugi. Le laqueur fait ainsi de la faille le contour d’une nouvelle pièce à laquelle il donne une nouvelle charge émotionnelle. La maladresse devient dès lors une invitation à créer à nouveau. Le kintsugi, qui signifie littéralement «jointure à l’or», est apparu au Japon au XVe siècle dans les cercles de la haute société où des amateurs de thé attachés à leur chawan, le bol utilisé pendant la cérémonie du thé dans lequel on bat le matcha (poudre de thé vert), souhaitaient le réparer après l’avoir ébréché.

Intrinsèquement lié au wabi sabi, courant esthétique autant que philosophique japonais qui dit que toute chose est impermanente et que la beauté réside dans l’imperfection et la sobriété, le kintsugi serait en passe de devenir grand public, voire tendance. Ce regain d’intérêt et les différentes versions proposées sur le marché (on parle parfois de kintsugi moderne, plus rapide à réaliser et moins cher), semble antinomique avec la pratique elle-même, qui est une ode à la mesure et à la lenteur demandant patience et hum