La façade de l’atelier, tout de verre, d’acier et de bois, porte sur elle les marques du temps. «Il y a des fissurations et l’encadrement a séché, relève Nathalie Taillefer, lors d’un tour du propriétaire. Mais il n’y a aucun problème au niveau de la structure.» A l’intérieur, l’architecte, diplômée d’Etat, pointe ensuite tout ce qui fait défaut à l’édifice. «Tout est encore dans son jus, notamment la charpente, commente la cofondatrice de l’officine TNT Architecture, passée chez Jean-Michel Wilmotte et Christian de Portzamparc. Mais rien n’est isolé, il y a de la déperdition énergétique, la chambre et la salle d’eau sont spartiates. Ce ne sont plus des conditions décentes pour accueillir des artistes.»
Avec son agence, Nathalie Taillefer est l’une des chevilles ouvrières de la rénovation de l’Atelier 11, dans le quartier de Montparnasse (XVe arrondissement). Initié il y a trois ans à la demande des deux associations (Cité Falguière et L’AiR ARTS) chargées de la préservation de ce petit reste de la Cité Falguière d’avant les démolitions des années 60, le projet de sauvegarde de ce «lieu unique» par son histoire, résidence d’artistes sans discontinuité depuis 1870, entend «faire entrer le bâtiment dans le XXIe siècle» tout en préservant l’esprit d’origine. A savoir rénover l’atelier qui a vu passer un certain nombre de grands noms de l’Ecole de Paris (Gauguin, Modigliani, Brancusi, Foujita, et surtout Chaïm Soutine qui a représenté le n°11 sur un tableau en 1915), puis la peintre d’origine serbo-russe Mira Maodus, pour fournir à des artistes internationaux un espace d’échange, de création et de recherche fonctionnel adapté à l’époque.
A cette fin, un collectif d’architectes transatlantique (TNT, gh3*, Studio Gang et Freaks architecture) a été appelé à la rescousse par les actuels propriétaires, des universitaires. Et un appel aux dons et au mécénat a été lancé jeudi 5 octobre lors d’une conférence de presse in situ par la Fondation du patrimoine. Une nouvelle étape qui doit permettre de financer le gros million de travaux estimé, en plus de la dotation de 100 000 euros environ acquise grâce au Loto du patrimoine, notamment pour la restauration de la façade et des verrières.
«C’est garder le charme de l’existant en apportant une touche contemporaine qui est le plus difficile : il faut arriver à conserver la finesse des détails, estime à ce propos Nathalie Taillefer, associée à Franco Tortello. L’autre difficulté, c’est trouver les bonnes entreprises et artisans pour intervenir, pour ne pas se retrouver avec les 4 centimètres d’épaisseur horribles des verrières des bâtiments voisins ou des ventilations apparentes.» Autre défi, à l’intérieur cette fois, dont le grand public pourra se faire une idée mi-octobre pour les Journées nationales de l’architecture : faire du chantier un exemple en matière d’écologie avec un maximum de réemploi des matériaux, comme le plancher de la mezzanine, de ce dernier atelier encore témoin de la vie artistique d’il y a cent cinquante ans.