Disposer, chez soi, d’un bureau Prouvé, d’un fauteuil le Corbusier, d’une table Perriand ou d’un luminaire dessiné par Pierre Guariche, soit du mobilier conçu par des grands noms de l’histoire plus ou moins récente du design : voilà qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. A moins d’une succession chanceuse, d’une très bonne affaire aux puces ou d’un très bon salaire – liste non exhaustive. Depuis juin, les habitants de Bordeaux ont en revanche la possibilité de goûter, gratuitement, au plaisir de décorer leur salon (ou toute autre pièce de leur logement) avec un siège de designer issu des collections du Musée des arts décoratifs et du design (Madd) de la cité girondine. «On réfléchissait à comment faire vivre le musée pendant sa fermeture [jusqu’en 2025, ndlr] et comment rester au contact des Bordelais tout en sortant des morceaux de notre collection hors des murs», explique à Libé la directrice du Madd, Constance Rubini.
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Concrètement, après une première salve de prêts de chaises en juin, les intéressés peuvent envoyer un mail à cette adresse pour se faire connaître avant un nouveau tirage au sort en septembre. En jeu : l’adoption pour trois semaines une fois la pièce livrée d’un des dix modèles «iconiques» de chaises ou tabourets. Soit, notamment, la «Panton Chair» de Verner Panton, toute première assise en plastique moulé, conçue en 1959 et éditée depuis 1999 par Vitra ; la chaise «Zig Zag» du créateur hollandais Gerrit Rietveld, de 1934, en forme de Z et tout en bois, elle est éditée par Cassina depuis 1973 ; ou encore, beaucoup plus récente, la «Steelwood Chair» des frères Bouroullec, assemblage de métaux et de bois, dessinée pour l’éditeur de mobilier italien Magis en 2007.
«On a essayé d’offrir une variété d’assises, de formes et de matériaux, mais ce sont aussi les pièces que l’on préférait. On voulait aussi que soient aussi bien représentés des designers français importants à l’image de Philippe Starck que de jeunes designers comme Leopold Lauga, poursuit Constance Rubini. Et tout cela a été rendu possible grâce à la collaboration des éditeurs mobiliers (Alias, Cassina, Fritz Hansen, Hay, Kartell, Magis, Vitra et Zanotta), qui nous ont fait des dons. Ce qui nous a aussi permis d’enrichir notre inventaire.»
Mais pourquoi prêter des chaises et pas d’autres objets design du musée bordelais ? D’abord parce que les chaises sont un reflet de l’histoire du design et de ses débats esthétiques, formels ou matériels. Ensuite, parce que ce sont rarement des pièces uniques et il est toujours possible pour les éditeurs qui en possèdent les droits de les reproduire en série. Enfin, parce que certains de ces sièges, inscrits à un inventaire spécial, étaient déjà mis à l’usage des visiteurs du musée des arts déco girondin. «Comme ils pouvaient s’asseoir dessus au musée, pourquoi ne pas leur proposer de les avoir chez eux un certain temps, renchérit sa directrice. Il faut sensibiliser le public au fait que les collections publiques de design sont pour eux.» Une façon aussi de plaider pour la démocratisation et la réappropriation par le plus grand nombre de ces objets de collection.