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Billet

#Eggcrackchallenge, la trend TikTok à tuer dans l’œuf

Sur le réseau social qui n’en manque pas une, une «trend» consiste à casser un œuf sur la tête de son enfant et à filmer sa réaction. Comment, dans une société qui affiche sa volonté d’apprendre aux plus jeunes le consentement et le respect des autres, peut-on rire des larmes et de l’humiliation de son enfant ?
(Getty Images)
publié le 22 août 2023 à 9h03

Cela commence comme une vidéo tout ce qu’il y a de plus ordinaire, comme en sont postées sur Instagram et TikTok au moins des dizaines de milliers par jour. On y voit un ou des parents et leur enfant s’apprêtant à réaliser ensemble une recette de cuisine. Au moment d’ajouter un œuf à la préparation, l’un des parents, subitement, casse l’œuf sur le front du môme, qui évidemment ne s’y attendait pas et, la plupart du temps, se met à brailler. Hilarant, n’est-ce pas ? Cette tendance, l’une des dernières en date au rayon «humour parental» sur les réseaux sociaux, se nomme le #Eggcrackchallenge. Et tandis qu’elle amuse manifestement beaucoup certains, elle agace aussi profondément d’autres internautes, comme l’essayiste Illana Weizman. «Je ne supporte pas ces trends de petites violences et de petites humiliations pour faire quelques vues sur le dos de ses gosses. [….] Les enfants ne sont pas considérés comme des êtres sensibles à part entière. Appréhendés comme pas totalement finis, des prototypes au service d’adultes qui auraient le droit de tester des trucs sur eux. […] Leurs émotions ne sont pas prises au sérieux», dénonçait-elle dans sa story Instagram vendredi 18 août.

Pour gagner des followers ?

On ne peut lui donner tort : comment, dans une société qui s’inquiète – à juste titre – du bullying et du harcèlement à l’école, qui affiche sa volonté d’apprendre aux enfants le consentement et le respect des autres dès le plus jeune âge, peut-on dans le même temps se bidonner quand ce sont les parents eux-mêmes qui font de leur progéniture, dont il faut semble-t-il rappeler qu’il s’agit de vraies personnes, un objet de moqueries ? D’autant que ce n’est pas la première fois que ce type de «défi» abonde sur Internet : à l’automne dernier, on a par exemple vu de nombreuses vidéos mettant en scène un parent faisant croire à son enfant qu’il avait mangé toutes les sucrerie a récoltées à Halloween, ce qui engendrait la majeure partie du temps cris, pleurs et crises de nerfs.

Que l’on envoie de temps en temps sur un groupe familial WhatsApp, c’est-à-dire dans un cercle privé et restreint, une photo amusante d’un mioche qui se serait mis tout seul en fâcheuse posture, pourquoi pas. Toute enfance a ses photos dossier et il faut bien apprendre à rire de soi-même. Mais aller jusqu’à provoquer l’humiliation, la filmer et la diffuser sur Internet pour les siècles des siècles, c’est pousser le bouchon au-delà du raisonnable. Et pourquoi ? Pour gagner des followers ? Pour montrer qu’on est certes parent mais que nous, on reste cool ? Comment alors enseigner aux enfants qu’on ne lance pas des camouflets juste pour son bon plaisir ?

Chers parents, par pitié, arrêtez d’humilier vos gosses sur les réseaux sociaux. A la place, abreuvez vos petits de dad jokes autant que vous voulez, et si vous souhaitez absolument vous rendre intéressants, continuez, à la limite, à inventer des phrases brillantes ou pleines d’humanité que votre progéniture aurait prononcées. Elles ne seront pas plus crédibles qu’avant mais au moins, elles ne heurteront personne, et surtout pas vos enfants eux-mêmes.