«Je pensais avoir 8 paires de chaussures, j’en possédais 27 ; concernant les jouets, les enfants pensaient avoir 25 peluches, on en a compté 50.» Quand Laure Fabier, 42 ans, a commencé à recenser tous les objets que sa famille (un mari et deux enfants de 6 et 10 ans) accumulait dans leur pavillon d’Orthez (Pyrénées-Atlantiques), l’ingénieure en développement durable a d’abord laissé échapper sa stupéfaction. «J’avais l’impression que mon garage était encombré, mais je ne savais pas trop à quoi m’attendre : en fait, c’était impressionnant», raconte la quadra. Le grand tri a néanmoins fait office d’électrochoc.
«J’ai compris que je pouvais facilement changer ma façon de consommer sans me plier en quatre. Par exemple, je me suis rendu compte que j’achetais trop rapidement, notamment sur les sites de ventes privées ou les réseaux sociaux. Maintenant, j’attends vingt-quatre heures avant de valider un panier et je fais de sacrées économies, poursuit Laure Fabier. On se pose aussi plus souvent la question du recours à l’occasion.» Mais cette prise de conscience, qui a changé son «rapport aux objets», ne vient pas de nulle part. La famille de Laure Fabier fait partie des 21 foyers français sélectionnés par l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour «désencombrer leur logement» dans l’idée de «consommer responsable».
Jouer les Marie Kondo du dimanche
Intitulée «Osez changer», l’opération s’est tenue de mars à octobre 2021. Elle avait pour objectif de faire prendre conscience à ces ménages «représentatifs» des Français de leur consommation en biens (vêtements, meubles, jouets, affaires de sport, outils de bricolage et équipements électroniques) grâce à la visite régulière (cinq au total) de coachs de rangement, des home organisers de la Fédération francophone des professionnels de l’organisation. De quoi fournir quelques enseignements, livrés mardi lors d’une visioconférence de presse. «La consommation d’équipements est très représentative de nos modes de vie, rappelle Pierre Galio, chef du service consommation responsable de l’Ademe. C’est la fabrication des objets qui a le plus d’impact sur l’environnement. Donc l’achat de produits neufs et leur accumulation augmentent l’empreinte carbone aussi bien qu’elles consomment des ressources naturelles.»
Do it yourself
Parmi les résultats, intéressants, deux constats saisissants : avant de jouer les Marie Kondo du dimanche, les foyers participants ont d’abord sous-estimé le nombre d’objets qu’ils avaient en leur possession et dont ils estimaient avoir besoin. En particulier, les chaussures et les vêtements, mais aussi les écrans comme les téléphones portables, tablettes ou ordinateurs. «Les quantités peuvent être incroyables, relève Marie Vegas, home organiser au Mans (Sarthe), impliquée dans l’étude. Une jeune femme que j’accompagnais pensait avoir 3 jeans, elle en avait 12. Le désencombrement permet de matérialiser les objets accumulés.»
Prendre conscience du gaspillage
Il s’agit de prendre conscience du gaspillage aussi bien que des solutions comme le don, la location, le réemploi ou le recyclage pour y remédier. Ainsi, à l’issue de l’opération, près d’un tiers des objets a trouvé une seconde vie vers une filière adéquate. «On a retrouvé dans nos tiroirs sept téléphones portables, deux ordinateurs et des appareils photos. On ne pensait pas qu’il y avait une filière de recyclage, désormais, on va réfléchir à quoi en faire, observe Laure Fabier. Pareil pour les cartons de vêtements pour enfant, je les donne à la recyclerie la plus proche.» Les participants ont reconnu qu’ils se réappropriaient leur lieu de vie jusqu’à gagner 60 % d’espace au sein de leur logement.
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«Cette opération révèle que le désencombrement est une clé d’entrée vers une consommation plus responsable, confirme Maud Herbert, professeure en marketing et culture de la consommation à l’université de Lille, également enrôlée dans l’étude. La sobriété est un cheminement intellectuel, mais elle a aussi une dimension matérielle : il faut s’attaquer aux amas d’objets qu’on a chez soi pour prendre conscience de l’accumulation et s’y attaquer. C’est long, complexe, mais aussi gratifiant.» Et c’est pour cela que l’Ademe espère sensibiliser à des pratiques de consommation plus sobres et respectueuses de l’environnement : il est autant question de justice et d’utilité que de plaisir.