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Les 400 culs

«Emmanuelle», un «chef-d’œuvre» érotique ?

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Docteure en philosophie de l’art et libraire, Camille Moreau est l’auteure de «Emmanuelle Arsan, biographie d’un pseudonyme» sur la vie de Marayat Bibidh-Virajjakar, à l’origine du célèbre personnage.
Photographie non datée de Marayat Rollet-Andriane. (Collection Les Archives d’Éros.)
publié le 4 mai 2024 à 8h50

«Emmanuelle Arsan n’a jamais existé. Cela ne l’a pas empêchée d’écrire une vingtaine d’ouvrages. Des romans prophétiques, beaux, perspicaces, parfois bêtes aussi, quelques-uns illisibles. Mais celui qui fit sa fortune et sa gloire…, celui-là est un chef-d’œuvre.» Dès les premières lignes du livre Emmanuelle Arsan, Biographie d’un pseudonyme (éditions La Musardine) on se sent happé par la passion de l’auteure. Camille Moreau, née à Paris en 1989, docteure en philosophie de l’art, libraire installée en Belgique, répond aux questions par téléphone en insistant sur l’idée forte qu’elle a souhaité défendre : «Tout le monde croit qu’Emmanuelle est un roman de gare salace. Mais non. C’est un traité d’éthique. Pour ce qui me concerne, il a changé ma vie.»

Erotisme et «coquecigrues»

Camille Moreau est âgée de 20 ans lorsqu’elle le découvre. Le roman Emmanuelle (1959) relate une histoire fortement autobiographique : femme d’un diplomate muté à Bangkok, l’héroïne (Emmanuelle) découvre des plaisirs érotiques inédits grâce à de multiples amies et amants, sous l’œil bienveillant de son mari. Surprise : le texte, d’une grande érudition, est truffé de mots comme «palinodie», «homothétique» ou «coquecigrues». Certains chapitres sont des démonstrations philosophiques méticuleuses, servies par des citations de Neruda, Soljenitsyne, Foucault, Paul Valéry ou Teilhard de Chardin. Camille Moreau, surtout, est frappée par «l’honnêteté» du récit et par la foudroyante justesse de ses analyses.