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Vu de Madrid

En Espagne, l’enfant roi par défaut : «On fabrique une génération de petits tyrans»

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Pour de nombreux parents espagnols, qui ont des enfants de plus en plus tard, céder aux caprices de leur progéniture est souvent vécu comme une solution pour compenser un manque de temps ou d’énergie à leur consacrer.
A Madrid, en mai 2023. (David Canales/SOPA Images via Getty Images)
publié le 19 février 2024 à 7h26

En cette soirée dans le quartier de la Latina, à Madrid, Isabel, fonctionnaire dans les impôts, est accompagnée de ses deux enfants de 8 et 11 ans. Il est minuit passé, c’est un mercredi non férié : de bar en bar, avec la troupe de copains de sa mère, les petits gambadent, s’amusent, crient et réclament. A chaque réclamation, tout s’arrête pour la maman : les conversations animées entre adultes s’estompent et l’attention collective se porte sur les deux frères. Ils veulent des glaces, des friandises, un chargeur pour leur console… et ils auront gain de cause à chaque fois. On demande à Isabel pourquoi les emmener avec elle et son compagnon un soir de semaine, si tard : «C’est ça ou je ne sors jamais. Et on n’a pas assez d’argent pour se payer une baby-sitter. Alors, oui, on cède à tous leurs caprices.»

A interroger des mères de famille, des parents d’élèves, un même constat revient : il y a une excessive protection envers les enfants. Trop dorlotés, trop chouchoutés. Cristina Gonzalez Reyes est institutrice au collège Christophe-Colomb, dans un quartier populaire de Séville, proche des 3000 Viviendas où se mêlent 17 nationalités, dont une forte population gitane : «Ce qui est incroyable, c’est qu’on ne les protège absolument pas des nouvelles technologies, des tablettes, des mobiles, du harcèlement ; et on cède sur tout, à la moindre demande.» A ses yeux, la vie des familles se règle sur les enfants : «Tout est conditionné en fonction de ce qu’ils demandent.