On vient de terminer notre «foie gras tremblotant, bouillon de sous-bois, fermentation de champignons» et le serveur dépose une autre assiette devant nous. «Chou de monsieur Rigaut, wakamé, jalapenos», annonce-t-il. On sourit poliment, mais intérieurement, on tire un peu la tronche : le chou, ça n’a jamais été tellement notre truc. Et puis on porte la fourchette à la bouche, et on est bluffée par le goût subtilement fumé de ce chou, qui finira par être notre plat préféré du repas. C’est sans doute pour ce genre de surprise qu’on aime tant aller au restaurant… et aussi en partie pour cela que le chef Camille Saint-M’Leux exerce le métier de cuisinier. «J’aime quand un client me dit qu’il a apprécié un produit qu’il croyait ne pas aimer. La cuisine, c’est sans fin, s’enthousiasme le jeune cuisinier. Le tour de salle en fin de service, je n’y vais jamais confiant, j’ai besoin de parler aux clients, d’avoir un retour. J’ai tout le temps un doute, mais créer de l’émotion, voir les gens émus, c’est ça qui m’émeut moi : quand les gens prennent des claques.»
Lui en a pris quelques-unes, qui ont confirmé son envie de faire ce métier. L’amuse-bouche de cromesquis de coque, qu’il a dégusté chez Olivier Belin, en Bretagne, lui a laissé un souvenir très vif : «Le jus explosait en bouche.» Le chou-fleur cuit en brioche et contisé (c’est-à-dire que le légume a été incisé et garni) au vieux comté, goûté quelques années plus tard au Plaza Athénée, à Paris, l