Avant que les tables marbrées ne soient envahies de naans, de dahl de lentilles et de paneer tikka (fromage indien cuit au tandoor), rien n’indique, si ce n’est l’appétissant fumet d’épices s’échappant de la cuisine ouverte, que l’on s’apprête à manger indien. C’est que hormis quelques subtiles allusions décoratives – grès rouge au sol, ventilateurs hérités de l’époque coloniale et lanternes en verre soufflé au plafond –, la scénographie de Delhi Bazaar tranche nettement avec les codes généralement associés aux restos indiens. Au mur, ni boiserie, ni dorure, ni même représentations de divinités hindoues. Pourtant, l’adresse ouverte en 2023 fait bel et bien dans «[l’]authentique cuisine indienne», d’après la bio de son compte Instagram aux 23 000 abonnés. Et alors que les restaurants dits traditionnels (certains diront «ringards» ou «kitsch») pullulent dans la «Little India» parisienne, laquelle s’étend de la gare du Nord à la place de la Chapelle, et ont fait du passage Brady leur royaume dans les années 80, c’est ici, dans cet établissement branché du XIe arrondissement, que le trentenaire CSP+ préfère se rendre pour dîner.
Ce midi-là, les 80 chaises formiquées que compte la salle à manger sont quasi toutes occupées. Même constat chez Jugaad (IIe), Kuna Naan (IXe), Seeklo (XIe) et d’autres adresses du même genre, toutes ayant trouvé leur public à la faveur d’un nouveau type de consommateur. Selon Bernard Boutboul, président de Gira, cabinet de conseil da