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Tu mitonnes

Après le déluge, une faim de tofailles

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Tu mitonnes !dossier
Chaque jeudi, réveil des papilles et passage en cuisine. Aujourd’hui, on mange vosgien après une tempête levantine, en compagnie de Rimbaud.
(Emmanuel Pierrot/Libération)
publié le 4 novembre 2021 à 11h20

Il pleut des hallebardes, il vente à décorner les bœufs sur la nef de béton où Rimbaud et Jimi ont décidé de passer l’hiver après une interminable transhumance ferroviaire depuis le pays d’Ardennes. On aurait dit le Sud mais plus jamais en été, quand l’ouragan a ourlé la côte avec son épais manteau gris métallique. Même si loin pour son regard abîmé par tous les coups de Trafalgar de la vie, Rimbaud a deviné d’énormes nuages en train de crever en trombes d’eau sur les montagnes noires. Le déluge a pris tout son temps pour venir tourmenter son bout d’île. D’abord en faisant friser la mer puis en la labourant furieusement. Du haut de sa thébaïde, Rimbaud s’est laissé hypnotiser par le ressac se fracassant contre les rochers. Ils n’étaient plus d’or mais sombres comme l’ardoise.

La semaine dernière

La pluie est arrivée au crépuscule. D’abord en gouttes froides ensemençant le maquis où les arbousiers se sont mis à se déhancher sous la rude friction du vent. Puis en cordes formant un double-rideau avec la nuit. Rimbaud a appelé longuement Jimi qui est revenu le museau maculé de son sang et de celui d’une autre bête. L’homme nettoie sa plaie peu profonde, le chien empeste l’odeur d’un sanglier qui devait sans doute être blessé et réfugié dans les fourrés. Il envie le festin qu’a dû s’offrir son chien-loup tchèque. L’animal est parti se coucher à l’abri dans la chambre que Rimbaud s’est aménagée dans l’aile la moins abîmée de cette arche déserte. Rimbaud s’abandonne seul au vent et à la pluie en l’écou