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Libération
Enchères

Au Japon, plus de 20 000 euros pour choper le melon

Le prix, atteint lors de la première vente aux enchères de la saison, est vingt-deux fois plus élevé que l’année dernière, mais cela est assez courant dans un pays où les fruits sont synonymes de luxe.
Les melons Yubari atteignent des prix stratosphériques lors d'enchères marquant le début de la saison. (Reiri Kurihara/The Yomiuri Shimbun/AFP)
publié le 24 mai 2021 à 15h19

Cela pourrait être l’indicateur le plus improbable d’une reprise économique post-pandémie. Deux melons japonais Yubari ont été vendus 2,7 millions de yens, soit 20 300 euros environ, lors de la première vente aux enchères de la saison au Japon. Un prix vingt-deux fois plus élevé que celui de l’année dernière, qui avait été plombé par la pandémie de coronavirus. Stratosphérique, cette addition reste pourtant dérisoire par rapport à d’autres records enregistrés pour ce produit de luxe très prisé dans l’archipel.

En mai 2019 par exemple, deux melons Yubari – une sorte d’AOC prestigieuse – avaient atteint le prix record de 5 millions de yens, soit un peu plus de 37 000 euros. L’an dernier, la facture avait chuté à 120 000 yens (900 euros). Les producteurs de cet or végétal avaient accusé le virus d’éloigner les acheteurs les plus fortunés. La reprise des prix cette année est «la volonté d’acheteurs d’encourager les gens en faisant des offres plus élevées», selon un responsable du marché de gros interrogé par l’Agence France Presse.

Un panier de cerises pour 80 euros

L’achat de fruits saisonniers au Japon peut être considéré comme un marqueur social et économique. Une pomme peut coûter 4 euros pièce, un panier de cerises 80 euros. Ils plaisent aux particuliers ou aux entreprises en quête de prestige… et de publicité gratuite. Le fruit comme cadeau est une coutume très ancrée dans la culture nippone. «Les melons sont souvent vendus dans des boîtes de présentation individuelles, posées sur de la soie ou du foin, ou attachées avec un ruban. Et au moment de choisir le cadeau idéal, le prix élevé est souvent considéré comme un gage de qualité», détaille le site Business Insider. Justifiant ainsi certains prix faramineux : «Les consommateurs sont prêts à payer pour s’assurer que leur cadeau est parfait, surtout quand on sait le travail qu’il a fallu fournir pour les produire.»

Cette fois, l’acheteur ayant déboursé les 2,7 millions de yens est un fabricant local d’aliments pour bébés. Son président, heureux, a expliqué son geste sur la chaîne de télévision nationale NHK : «Bien qu’il y ait encore beaucoup de nouvelles négatives, j’espère que cela pourra aider les gens à sourire et à surmonter la pandémie.»

Traitement VIP

Les Yubari King sont une variété de melon cultivée avec exigence sous serres à Yubari, une petite ville située près de Sapporo, sur l’île de Hokkaido. Mais il n’est pas le seul spécimen de luxe. Un autre melon de qualité supérieure vient de ville de Fukuroi, dans la préfecture de Shizuoka, le «Shizuoka Crown Melon».

Ils bénéficient d’un traitement VIP. Cultivé à la main pendant une centaine de jours, un seul fruit est récolté par arbre afin d’obtenir le plus de nutriments possible. Ils sont également bichonnés et frottés par des mains gantées afin de stimuler leur croissance mais aussi d’accentuer leur régularité. Et les jours de grand soleil, les agriculteurs leur mettent un chapeau pour que ces derniers ne souffrent pas de la chaleur. Enfin, une fois récoltés, ils sont classés selon leur forme et la qualité de leur peau. Les melons parfaitement ronds et sans imperfection coûtent très cher à la revente.

Analysant ce phénomène en 2019, un journaliste du Guardian précisait que «dans les cultures où la cuisine s’est développée en même temps que l’agriculture, avant l’agriculture intensive, les ingrédients jouissent d’un statut plus élevé». Expliquant que, dans le foyer asiatique où il a grandi, «on disait de finir notre repas, non pas parce que les enfants africains mouraient de faim, mais parce que, de manière idiomatique, chaque grain de riz représentait une perle de sueur sur le front d’un agriculteur».

Les melons ne sont pas les seuls à battre des records. Une pastèque haut de gamme cultivée dans la ville de Toma, dans le nord du Japon, avait été vendue 750 000 yens, soit près de 6 000 euros, lors d’une vente aux enchères en 2019.