C’est samedi matin, les premiers rayons de l’aube inondent la cuisine. C’est le jour que Juliette, 5 ans, préfère. Car elle sait qu’elle a son père tout pour elle. Sa mère dort encore. Son ventre rond forme une colline sous le drap. Marie veut un garçon ; Marius voudrait encore une fille. Ce sera pour décembre, si tout va bien.

Juliette est assise sur le banc tout contre son père. Elle a la bouche tartinée de confiture de mûres. Marius l’essuie avec un torchon de cuisine tout en terminant son café. Puis il lace ses galoches dont elle déteste le bruit des clous en fer sous les semelles en bois. Marius a chaussé ses sabots. Ils sont prêts pour partir aux champignons avec le panier tressé par les Yéniches qui passent tous les ans vendre leurs vanneries en osier. Avec leur roulotte, ils intriguent Juliette qui se demande comme on peut vivre sur une maison à quatre roues tirée par une paire de chevaux. Elle aime beaucoup les couleurs bigarrées des vêtements des femmes entourées d’une marmaille bruyante et rieuse. Cette année, une adolescente à la peau cuivrée lui a offert une petite poupée de son. Marie a fait le café pour les parents et sorti les biscuits de gaude (une farine de maïs torréfiée) pour les enfants qui l’ont remerciée plusieurs fois. Pourtant, au bourg, on dit que les Yéniches sont des «voleurs de poule». Juliette ne veut pas y croire, surtout quand sa mère leur offre des œufs du poulailler et des patates du jardin. Quand la roulotte s’éloigne vers la ferme de la Pon