L’autre soir, on a renoué avec un petit bonheur ancien : regarder se consumer un quartier de chêne à travers la vitre du poêle. Hypnotisé par le rougeoiement des braises, persistance rétinienne venue de loin. On doit avoir 5 ans, peut-être 6. On a eu le droit de passer le week-end chez Mémé Juliette. Elle est grisonnante, voûtée mais toujours vaillante, surtout par la pensée et le verbe. «Mon Gaston» est parti un jour de mars, s’effondrant sur la terre noire de son jardin, après un dernier coup de bêche, un ultime battement de cœur. Tous les jours, elle va lui causer au cimetière, elle lui raconte des petits riens comme la pâtée d’ortie qu’elle a préparée pour les poules, la mère lapin qui va bientôt faire ses petits. Elle lui dit qu’elle l’aime et que certains jours, surtout les gris, elle a hâte de le rejoindre là-haut, pour l’éternité.
Seau bleu
Quand on la retrouve, on voudrait que ce soit déjà l’heure du souper car sur la cuisinière à bois ronronne la cocotte en fonte noire. Personne comme Mémé Juliette ne sait mieux y faire les patates rôties que l’on a surnommées les «colle au cul» car on adore le grillé de la pomme de terre qui a attaché au fond de la cocotte. En matière de séant, on se délecte aussi de couler un bronze dans le seau bleu émaillé qu’elle place près du poêle pour nos besoins. «Faudrait pas que tu attrapes un rhume de fesses», qu’elle rigole. Quand elle est toute seule, Mémé Juliette laisse «crever» son feu avant d’aller se coucher. Ell