Avec sa serviette de bain jetée sur l’épaule et les cheveux encore mouillés, le petit se hisse sur la pointe des pieds, jusqu’au comptoir. «Un chichi classique, s’il vous plaît», lance-t-il en tendant déjà sa monnaie, pressé de boucler la transaction et de repartir avec son dû. Gras et sucré à la fois, le beignet se déguste à toute heure de la journée. «C’est un encas qui plaît à toutes les générations. J’en mangeais quand j’étais gamin et maintenant, j’ai plaisir à en payer un à mes petits-enfants quand ils viennent me rendre visite», raconte Daniel, un riverain rencontré dans la file d’attente. A manger tout juste sorti de la friteuse, cette douceur de bord de mer est un genre de cousin éloigné du churro espagnol, en version plus large et boursouflée.
«Impossible de résister»
A l’Estaque, un quartier du XVIe arrondissement de Marseille aux airs de petit village, le chichi frégi fait figure d’institution. Du provençal «chichi» signifiant «petit morceau» et «fregi» pour «frit», ce casse-dalle populaire voit sa pleine saison s’épanouir de mars à fin octobre, quand les marchands de la côte ouvrent leurs stores pour les vendre. Sur ce coin de littoral qui amorce la Côte bleue, l’atmosphère semble éternellement tiraillée entre le souvenir d’une ancienne station balnéaire qui a accueilli de nombreux peintres au XIXe siècle et une brutale désindustrialisat