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Libération
On mange où ce week-end ?

Dans le Vieux-Lyon, Jérémy Galvan dans ses éléments

Ce jeune espoir de la gastronomie, étoilé par le guide Michelin en 2017, s’est fait sa place dans un quartier où la concurrence est rude. Il propose un menu surprise unique, une exploration à l’aveugle d’une vingtaine de créations.
Chez Jérémy Galvan, les quatre éléments de la nature sont invoqués lors des mises en bouche, puis les mets convoquent les cinq sens, y compris l’ouïe. (Laurent Dupont)
par Maïté Darnault, correspondante à Lyon
publié le 20 octobre 2023 à 17h42

On entre chez Jérémy Galvan (1) comme dans un sous-bois. Murs et mobilier couleur forêt, lumière tamisée semblable au filtre de la canopée, vaisselle en raku tels des cailloux semés au fil de la déambulation gustative… Les sons de la rue du Bœuf, dans le très touristique Vieux-Lyon, sont amortis dans ce cocon où les convives sont répartis dans deux petites salles, reliées par la cuisine semi-ouverte où officie le chef décoré d’une étoile au guide Michelin en 2017. Depuis, ce jeune espoir s’est fait sa place dans un quartier où la concurrence est rude, car s’y concentrent les toques d’étoilées, plutôt branchées gastronomie lyonnaise classique. Jérémy Galvan propose pour sa part un menu surprise unique, une exploration à l’aveugle d’une vingtaine de créations, servies par grappes de bouchées qui chacune explorent un thème («Au cœur d’un élevage», «Sur un pavé», etc.).

Les quatre éléments de la nature sont invoqués lors des mises en bouche, puis les mets convoquent les cinq sens, y compris l’ouïe. Pour «Immersion», un casque audio est amené sur un globe de verre tapissé de verdure. On le passe pour entendre une futaie palpiter, tandis que l’on goûte à du fera du lac Léman, cru et fumé, à un biscuit à la châtaigne et crème d’amandes et à une surprenante bulle qui explose en bouche. Sa coque est faite de chocolat blanc, emplie d’un sorbet de mousse végétale. Puis on mange successivement de l’omble chevalier, de l’autruche, de l’œuf, de l’écrevisse, sous des formes insoupçonnées, accompagnés de légumes, de jus travaillés, d’assemblages d’herbes. Une première création est présentée au convive dans une longue cuillère. On a le réflexe de la saisir. «Faites-nous confiance», glisse le serveur qui nous donne la becquetée – le geste déstabilise, doit sans doute gêner certains.

Le début et la fin de la course – un tableau réjouissant de six desserts – font tous deux référence à l’enfance. Il y a quelque chose de circulaire dans l’intention de Jérémy Galvan, petit-fils de maraîcher et locavore engagé, qui s’attache aux sources de son inspiration : le jardin potager, les sillons des producteurs auquel il est fidèle, les saisons. Il y a quelque chose d’englobant, aussi, dans la manière dont on se laisse happer par la dégustation. De prime abord, on se prend au jeu d’identifier ce que l’on goûte. On jette un œil aux voisins servis sur le même tempo, pour guetter les réactions, glaner un indice. Puis on finit par ne se fier qu’à ses papilles, peu importe si l’on tombe juste. On est embarqué dans cette bulle qui, lorsqu’elle s’évanouit, nous laisse repus, étourdi, joyeux, dépaysé, ravi.

(1) Jérémy Galvan, 29, rue du Boeuf, 69005 Lyon. Renseignements: jeremygalvanrestaurant.com