Si des vins pouvaient prétendre à la catégorie blockbusters, édulcorés et simples à comprendre, ceux-là n’en seraient pas. La première rencontre avec un rancio sec bouscule, déroute, divise. Déjà, par ses nuances d’ambre. Ensuite, par sa capacité à réunir dans la même bouffée des notes de café, d’iode, de sauce soja, de noix fraîche, de champignon, de réglisse ou de datte. Enfin, par son intense concentration et son absence quasi totale de sucre qui laisse la bouche nette.
«En catalan, on l’appelle vi ranci. C’est notre umami à nous», résume Benoît Danjou, vigneron avec son frère Sébastien au domaine Danjou-Banessy dans la vallée de l’Agly, à 20 kilomètres de la frontière espagnole dans les Pyrénées-Orientales. À leur reprise des lieux il y a vingt-cinq ans, ils héritent des tonneaux de rancio sec demi-centenaire de leur grand-père et s’impliquent pour la renaissance de ce vin patrimonial, alors au bord de la disparition. Il ajoute une image pour le situer, comme une phrase enregistrée maintes fois répétée : «C’est le vin jaune du Roussillon.»
Seul reste le cœur du vin
À l’instar de cette star du Jura, le rancio sec tire sa particularité d’un élevage oxydatif. Il passe des lustres – généralement, au moins une décennie – au contact agressif de l’air. Dans le Roussillon, des chocs thermiques accentuent l’effet. Le vin est exposé dehors en plein soleil dans des