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Libération
On mange où ce week-end ?

De Saint-Rémy-de-Provence à Paris, des tables aussi éphémères que l’été

Des plats maîtrisés à la perfection de Songes aux cocktails et mocktails enchanteurs de l’Intercontinental, «Libé» vous conseille quelques restaurants et bars à tester avant qu’ils ne ferment les portes à la fin de la saison.
Songes, restaurant éphémère de Saint-Rémy-de-Provence. (Maki Manoukian)
publié le 21 juillet 2023 à 18h06

Les restaurants éphémères, ces structures qui se font et se défont au fil des étés, des envies et des… permis de construire, ont ce je-ne-sais-quoi en plus qui les rendent encore plus beaux parce qu’ils ne sont pas éternels. Parfois, ils sont le lieu de passage de chefs et cheffes en résidence, tendance qui consiste à varier les styles et les influences. Cette entreprise n’est pas toujours évidente : ces restaurants éphémères sont aussi dotés de cuisines moins grandes, moins confortables et moins équipées que celles de grands restaurants. Chapeau, donc, à ces adresses qui sortent du lot et à leurs brigades motivées au-dessus des fours quand il fait 40 degrés dehors. Il faut avoir la foi, les crocs, l’envie de progresser et de faire plaisir (ou parfois juste besoin d’argent, soyons honnêtes) pour tenir par un été caniculaire, et ce jusqu’en septembre, des cartes exigeantes dans des endroits parfois exigus, loin de ses habitudes. Tournée de bonnes adresses éphémères et de leurs sympathiques équipes.

Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône)

Songes, le temps d’une nuit d’été

Quelle belle et délicate idée que d’avoir installé, dans les thermes antiques de l’Hôtel de Sade, à Saint-Rémy-de-Provence, le bien nommé restaurant éphémère Songes. D’après le site des Monuments nationaux, «rien ne prouve […] que Donatien soit venu à Saint-Rémy-de-Provence, dans l’hôtel particulier de son aïeul». L’ambivalence étant levée, on peut se concentrer sur la carte : cet été, c’est la cheffe Pauline Séné (ex-Fripon et Arboré) que l’on retrouve dans cette cuisine éphémère où elle sert jusqu’en septembre ses désormais classiques arrivés à un point absolu de perfection. D’autant plus que sa maîtrise de l’acidité nous en a mis plein les papilles en ce soir caniculaire. En entrée, délicieuse soupe de melon, pastèque grillée, feta et curry vert – l’incarnation faite bouche d’un coucher de soleil…

Autre entrée déjà goûtée et re-aimée, son chou-fleur grillé (mais pas baigné d’huile) avec des anchois, un siphon d’aïoli, abricots servis bruts et kumquats confits. En plat, effiloché d’épaule à tomber, façon tajine, servi avec des mini-aubergines et son baba ganoush. Si on n’a pas peur du beurre, les gnocchis à la sauge, fraîchement coupés et saisis, sont exquis. Les desserts étaient sans doute de trop, mais on a quand même voulu goûter l’abricot rôti et son financier avant de crier grâce ! Côté boisson, c’est plutôt les cocktails de Vincent Diener qui remportent la mise, comme cet étonnant Balthazar, composé d’eau de tomate ancienne, Pisco à l’huile d’olive et de vin blanc. Grand délice, comme un songe, bien sûr.

Songes, 1, rue du Parage, 13 210 Saint-Rémy-de-Provence. Ouvert tous les jours en soirée de 19 heures à 23 heures sauf le mardi. Entrées : entre 14 et 20 euros. Plats : entre 24 et 34 euros. Desserts : entre 10 et 14 euros. Vin au verre 8 euros, cocktail environ 14 euros.

Dans le XIIe arrondissement parisien

Le Chalet des îles Daumesnil, régalons nous dans le bois

Pour gagner ce chalet, il vous faudra entrer dans le bois de Vincennes, parcourir ses chemins arborés, croiser des joggeurs et des poussettes, et trouver le (seul) petit pont qui vous mènera sur l’île Anaë. Là, tout n’est que délices, calme et satiété. Un vent délicieux venu du bois viendra peut-être rafraîchir vos corps ébouillantés par la chaleur de la ville. Ce soir-là, on a dîné dehors sous un ciel pommelé qui a viré au jaune puis au rose. Le Chalet des îles Daumesnil n’est pas à proprement parler un resto éphémère, car sa structure est pérenne, mais c’est la résidence actuelle de la cheffe Marie-Victorine Manoa qui l’est. Cette Lyonnaise, qui était aux manettes du très encensé Aux Lyonnais dans le IIe arrondissement, a emporté à Vincennes tout son amour du bouchon et y restera jusqu’à fin septembre.

Pour commencer, quelques hors d’œuvres sans chichi (jambon pata negra, radis au sel et son beurre à l’estragon, petite friture d’éperlans, cervelle de canut en dip). Suivront des entrées à partager, aussi délicieuses que jolies, comme cette tomate ananas maousse fourrée à la tomate posée dans une nage d’huile verte, quelques moules panées, servies avec les premiers haricots de la saison (bonheur), des girolles et des amandes fraîches, sans oublier une petite tranche de sabodet, toujours très cochon.

Mais ce qui nous a sciée, c’est une quenelle de chinchard légère comme un nuage, posée sur un bouillon de salicornes avec des petits oignons de type pickles. On est loin, loin de l’image du bouchon lyonnais et son gras-double ! En desserts, servis comme à la maison, un délicieux flan aux abricots, une truffe au fenouil d’une longueur incomparable, et bien sûr, un petit feuilleté aux pralines, parce que Lyon, c’est Lyon. Encore une fois, on a trop mangé, mais la balade digestive dans le bois à la nuit tombée avec la lampe torche du téléphone pour s’éclairer («Tu es sûre que le pont était par là ?» «Non, c’est par là») est là pour ça. Ah et le service est d’une gentillesse rare, du début à la fin. Bravo à cette fine équipe !

Le Chalet des îles Daumesnil, route des îles, île de Reuilly, Bois de Vincennes, 75012 Paris. Menu unique à 65 euros. Vins au verre entre 7 et 9 euros. Ouvert du jeudi midi au dimanche soir.

Dans le quartier de l’Opéra

L’Intercontinental, auguste bar à cocktails

A deux pas de l’opéra Garnier trône un bâtiment aussi intimidant qu’exceptionnel : l’hôtel Intercontinental, un palace ouvert en 1862. Si comme nous vous n’avez pas 3 000 euros à mettre dans une suite mais que vous cherchez une bonne raison de visiter le lieu, une idée un peu moins onéreuse est de faire un tour à son bar, qui propose jusqu’à fin août une carte éphémère consacrée à la vie de Sarah Bernhardt.

La tragédienne, à laquelle le Petit Palais consacre en ce moment une exposition, fut en effet l’une des clientes les plus illustres et régulières de l’endroit. Comptez donc une vingtaine d’euros pour les somptueux cocktails (26 euros) et mocktails (16 euros) imaginés par le vibrionnant Matthias Giroud, mixologue très inspiré par la pâtisserie et ardent promoteur du sans alcool. On recommande notamment le «Belle-Ile», soft drink où le caramel beurre salé côtoie un jus de pomme infusé au sarrasin, un peu de citron vert et du malt pétillant. Une expérience visuelle et gustative.

Jusqu’à fin août, bar de l’Intercontinental Paris Le Grand, 2, rue Scribe, 75009 Paris.

Et aussi…

Ventrus (Paris XIXe), pique-nique chic le long du canal

Jusqu’au 30 juillet, le chef Alberto Rebolledo officie chez Ventrus, resto éphémère à la jolie architecture en bois, ronde et vitrée, posée comme une bulle au milieu du parc de la Villette. Le cadre est agréable : vue sur le parc et le canal, on s’y attable pour découvrir des recettes fraîches avec une bonne sélection de pinards. Un bon plan pour pique-niquer chic !

Au croisement du canal de l’Ourcq et du canal Saint-Denis, 1, allée du Canal, 75019 Paris. Environ 50 euros par personne le soir avec entrée, plat et vin.