C’est la fin des vendanges et moi, la cocotte en fonte noire, je suis gâtée, je vais mijoter doucement dans le four de la Godin que l’on a rallumé pour que Juliette, trois mois, soit bien au chaud. Il a beau faire encore doux en cette fin septembre, ses parents ont toujours peur qu’elle ait froid. Surtout son père Marius qui me surveille comme le lait sur le feu dès qu’il franchit la porte de la maisonnette. Tous les jours, en ce moment, après son travail de cantonnier sur les voies du PLM (Paris-Lyon-Méditerranée), il va donner un coup de main au fermier de la Ponette, l’adorable jument qui panique, quand les locomotives à vapeur sifflent au passage à niveau. Marius foule le raisin aux pieds avec d’autres hommes. On le dirait pas comme ça mais il faut du jarret pour faire éclater les grains pour faire sortir la pulpe et le jus. Ce soir, Marius est revenu les pieds tout noirs avec un panier rempli de grappes et une belle échine de porc. C’est qu’il aime ce morceau de cochon persillé situé après le carré, avant la tête et au-dessus de la palette. L’hiver surtout, Marie lui en met souvent un morceau dans sa boîte à fricot qu’il réchauffe dans la guérite le long de la voie ferrée.

Marie a écalé une poignée de noix de l’arbre capricieux qui donne une année sur deux derrière la maisonnette. Elle a cueilli une poignée de sauge dans le jardin et pris une paire de figues dans le compotier sur la table de la cuisine. C’est du vrai, du sauvage, tous ces produits de la nature qui pousse