Menu
Libération
Les restos, ces petits théâtres (6/6)

En cuisine, quand on mitonne dans le noir

Article réservé aux abonnés
Au restaurant se joue et rejoue une comédie où clients, cuisiniers et personnels ont des rôles parfois surprenants. Dans ce sixième et dernier épisode, une cuisinière raconte des souvenirs de repas préparés presque à l’aveugle.
En travaillant dans la restauration, Adélie Vernhes a accumulé les anecdotes, plus ou moins lumineuses. (Angel Pietro/Getty Images)
publié le 13 juillet 2024 à 12h45

A cette époque, Adélie Vernhes n’est pas encore attachée de presse de grands chefs de cuisine français, mais travaille dans des brasseries populaires à Paris et proche banlieue, aux fourneaux ou en salle. Dans l’une d’elles, les cuisines sont installées au sous-sol. Quatre mètres carrés seulement, avec un décor de cave voûtée en terre battue. Il fait une chaleur épouvantable dehors, nous sommes au mois d’août, et l’effet est amplifié sous terre avec des murs qui transpirent «le chien mouillé». Une seule solution : bosser avec toutes les lumières… éteintes, pour éviter la production de chaleur par les sources lumineuses. «On préparait les plats des clients en s’éclairant avec la lampe torche des téléphones», se souvient Adélie Vernhes, pour qui la situation semble normale, alors que c’est son premier job dans un restaurant.

La scène est encore plus lunaire au moment du ramadan : les cuisiniers, tous musulmans dans la brigade, ne boivent pas et ne mangent pas, s’autorisant seulement de mâcher du chewing-gum pour tenir toute la journée. A côté de la minuscule cuisine se trouve une petite salle où sont stockées les matières premières et le congélateur à pâtisserie. Les cuistots mitonnent malgré tout un plat pour la jeune femme pendant qu’ils prient en cuisine, toujours dans le noir total. «Je les entendais à côté pendant que j’étais assise sur une chaise, mon assiette posée sur des tréteaux, commençant à mettre en bouche ce risotto aux pétoncles [cousines des